Annales des Mines (1837, série 3, volume 12) [Image 318]

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JURISPRUDENCE

l'article 10 de la loi du 21 avril 1810, il y avait lieu d'admettre la compagnie Tourangiu à explorer avec l'autre société le territoire commtinal d'Urciers. Le conseil 'général des mines a pensé qu'il importait au succès de ces travaux, et qu'il était nécessaire, pour fit concession ou les concessions que l'on aurait ultérieurement à instituer en cas de découvertes de gîtes exploitables, que des recherches fussent opérées par les deux compagnies. -Il a reconnu que le terrain était d'ailleurs assez étendu pour qu'elles pussent effectuer conjointement ces explorations; il lui a paru enfin que le droit qui est conféré au gouvernement, (l'autoriser des recherches sur le refus du propriétaire, s'étendait nécessairement au cas où le pro-

priétaire ne donne son consentement qu'à un seul des concurrents et le refuse à l'antre.

Le directeur général et le ministre des travaux publics, de l'agriculture et du commerce ont partagé cet avis , et par une ordonnance royale du 28 novembre 1837 (1) , la compagnie Tourangin a été admise, conjointement avec MM. Luzarche et Grenouillet , à opérer des recherches dans le terrain qui appartient à la commune d'Urciers. On avait objecté dans cette affaire que la commune d'Urciers ayant donné son consentement à la compagnie Luzarche et Grenouillet , cette dernière société se trouvait représenter la commune ; et on contestait que l'article 10 de la loi pût être applicable ; on prétendait que cet article ne concerne gué le cas où le prcipriétaire ne fait pas luimême des recherches et n'a mis personne en son lieu et place pour les entreprendre. Mais on a jugé que cette objection n'était point fondée. L'article 10 eu effet ne contient pas une telle distinction -

elle eût étécontraire au but que l'on s'y est proposé de favoriser les recherches de mines -, la découverte des substances minérales si importantes pour le pays Si par cela seul qu'un propriétaire fait lui-même des recherches, ou a cédé cette l'acuité à un autre, le gouvernement se trouvait privé du droit d'autoriser un tiers -à en entreprendre également, il en résulterait que si le propriétaire ou son représentant n'effectuaient que des travaux imparfaits, bornés à un petit espace, un terrain vaste, où l'on aurait pu faire (1) Voir cette ordonnance, ci-arr, page E,;u.

DES MINES.

peut-être d'utiles découvertes, resterait inexploré. Ce propriétaire pourrait même, à l'aide de quelqUes sondages insignifiants , qui n'auraient au fond rien de sérieux , et sous le prétexte seulement qu'il se livre à une exploration, arrêter l'action du gouvernement ; l'intention ,prévoyante

de la loi serait éludée. Tout propriétaire, quand il le

voudrait, pourrait empêcher les recherches. Il est évident

qu'il n'en saurait être ainsi. Sans doute on n'est point

en droit d'exclure celui qu'il a admis et de mettre un autre à sa place ; sans doute aussi il convient de n'employer qu'avec mesure la faculté de permettre à un tiers d'opérer des travaux sur la propriété d'autrui ; on ne doit se décider à

délivrer une semblable autorisation que par des motifs graves. Mais quand ces motifs existent, il appartient au gouvernement d'user du droit qui lui est conféré par les termes explicites et formels de l'article 10 de la loi du 21 avril 1810. Dans les affaires de mines, où la propriété se trouve en contact avec l'intérêt public, il ne faut pàs perdre de vue que l'intérêt général est la base de cette loi spéciale, le but de ses dispositions. Au premier abord, on

peut s'étonner qu'un propriétaire soit forcé de laisser fouiller son terrain contre son gré, d'y admettre un tiers qu'il n'a pas choisi, et cela alors même qu'un autre a obtenu son consentement. Mais pour peu qu'on y regarde de Plus près, on reconnaît facilement (pie le lésislateur pouvait laisser l'intérêt général à la merci d'oppositions mal entendues ; et que dès lors il devait donner a l'adininistra-

non publique, agissant dans cet intérêt, les moyens de vaincre des résistances qui l'auraient compromis.

Il est bon de dire du reste que les difficulIés de. cette nature sont rares. Généralement les 'propriétaires s'entendent avec les explorateurs ; et ce n'a été que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le gouvernement s'est vu dans la nécessité d'intervenir. La faculté dont il l avait besoin existe ; cela suffit pour aplanir bien des obstacles ; et c'est ainsi qu'il faut toujours s'applaudir de la sage prévoyance des lois.