Annales des Mines (1912, série 11, volume 1, partie administrative) [Image 215]

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s'entendre condamner, en réparation du préjudice causé, en 3.000 francs de dommages-intérêts; Attendus que les hoirs Gavot soutiennent: 1° qu'ils tiennent de l'acte du 19 février 1840 le droit d'extraire les minerais de toute nature gisant sur ou dessous le sol; 2° que l'ocre estnn minerai; 3° que la concession consentie à leur auteur est constituée d'un droit réel et immobilier qui est-opposable aux ayants cause à titre particulier du propriétaire concédant; Attendu que, s'il est vrai que l'exploitation des minerais de fer d'alluvion et minerais de toute nature a été concédée à Perre, ce serait faire une interprétation abusive de la généralité de ces termes que d'étendre le droit d'extraction à des corps ou matières ne possédant pas strictement et complètement les caractères naturels et industriels des minerais et qu i! n'est pas douteux que l'emploi du terme minerai indique bien (pie, dans l'intention des parties, seuls les minerais ont été compris dans la concession ; Attendu qu'on conçoit très bien que Perre ait voulu s'assurer sans contestation possible la propriété de tous les ruinerais de fer quelconques et même des minerais de toute nature, parce qu'il était maître de forge et qu'il se préoccupait nécessairement d'avoir à sa disposition les matières indispensables pour l'exercice de son industrie ; Attendu qu'il savait que les minerais de fer contiennent souvent d'autres métaux, en proportion assez forte pour rendre possible le changement de qualification du minerai, et c'est ce qui explique que l'acte a été rédigé dans des tenues suffisamment larges pour écarter toutes réclamations ou revendications; Attendu que les expressions employées dans l'acte en question pour déterminer la nature et l'importance du droit concédé doivent être entendues et interprétées dans ce sens que les parlies ont laissé en dehors du contrat toutes les substances ou matières qui, chimiquement et industriellement, ne sauraient être classées comme minerais; Attendu qu'il s'agit dès lors de savoir si l'ocre est un minerai ou un corps ne pouvant être ainsi dénommé ; Attendu qu'au point de vue de sa composition chimique un minerai est défini : « un composé naturel d'où on retire les métaux », et au point de vue de l'utilisation industrielle « une matière contenant des métaux en proportions suffisantes pour permettre leur exploitation »; Attendu que l'ocre est à tort désignée dans le langage courant

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sous le nom de minerai ; qu'en effet elle est une argile (ainsi définie par tous les auteurs) colorée en jaune par une quantité minime de peroxyde de fer ; Attendu que la faible teneur en fer, en dépit de sa composition chimique, s'oppose à ce que cette argile soit considérée comme un minerai, parce qu'il est certain qu'un corps ne peut être rangé dans la catégorie des minerais qu'autant qu'il est exploité par un procédé métallurgique pour l'extraction du métal qu'il contient; Attendu qu'il n'est pas soulenable que la terre ocreuse soit assez, riche en fer pour son utilisation en vue de l'extraction de ce métal ; Attendu que de plus, l'ocre étant exploitée uniquement pour sa couleur et non pour le fer ou fout autre métal y contenu, ce minéral ne doit être considéré ni comme un minerai de fer ni comme un minerai quelconque et que par conséquent les gisements ocreux n'ont pu être compris dans la concession ou droit d'exploitation de tous les minerais ; Attendu qu'enfin toute autre interprétation serait contraire aux règles édictées par le code civil en matière d'interprétation des conventions (art. 1 lo6 et suivants); Attendu qu'en effet, d'une part, Perre, métallurgiste, avait besoin de minerai de fer pour la marche de son usine et nullement de terres ocreuses, et que d'ailleurs il n'a jamais eu à exploiter les gisements d'ocré, et, d'autre part, les concédants n'auraient pas consenti à céder à vil prix ces gisements dont la valeur est et était, même en 1840, de beaucoup supérieure au prix de 300 francs stipulé dans l'acte ; Attendu qu'on comprend très bien que ceux-ci aient, moyennant une faible somme, aliéné le droit de fouille et d'extraction des minerais de fer et autres dont personnellement ils ne pouvaient tirer le moindre profit, tant à cause de leur incompétence qu'à cause de l'insuffisance de leurs ressources pour l'installation d'uneusine, tandis qu'il serait déraisonnable d'admettre qu'ils aient abandonné pour un prix dérisoire le droit d'exploitation de l'ocre, exploitation facile, peu onéreuse, à la portée de tous et fructueuse en définitive ; Attendu qu'enfin si Perre n'a jamais entrepris l'exploitation de l'ocre, ses ayants cause pas plus que lui n'y avaient jamais songé, jusqu'au jour où l'exploitation tentée par les défendeurs leur a paru prospère et qu'il est au moins singulier que les consorts Gavot ou leur auteur aient ignoré leur droit pendant de si longues années;