Annales des Mines (1907, série 10, volume 6, partie administrative) [Image 131]

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également possible ? En d'autres termes, y a-t-il place pour une action en indemnité au prolit des propriétaires d'une mine lorsque le préfet, usant de son pouvoir de police, lui a imposé certaines mesures de consolidation ou interdit certains travaux d'exploitation dans l'intérêt de la conservation des voies de communication? Pour répondre en pleine connaissance de cause, il faut examiner la question avant la loi du 27 juillet 1880, — sous l'empire du texte initial de l'article 30 delà loi du 21 avril 1810. Il faudra ensuite se demander si la loi du 27 juillet 18>0 a entendu modifier l'ancien état du droit sur ce point. L'article 30 primitif de la loi du 21 avril 1810 était ainsi conçu :« Si l'exploitation compromet la sécurité publique, la conservation des puits, la solidité des travaux, la sécurité des ouvriers mineurs ou des habitations de lasurface, il y sera pourvu par le préfet, ainsi qu'il est pratiqué en matière de grande voirie et selon les lois. » Un point qui a toujours été incontesté, c'est que, lorsque les mesures et les interdictions ont été prescrites pour protéger les établissements privés de la surface, aucune indemnité ne peut jamais être réclamée par l'exploitant au propriétaire de la surface. On est alors en présence d'une véritable servitude légale imposée à la mine. Il est d'ailleurs de la plus élémentaire équité que la mine soit astreinte à supporter sans indemnité les sujétions nécessaires à la solidité de la surface, laquelle, menacée dans sa sécurité et troublée dans sa jouissance, ne saurait vraiment être astreinte à payer des dommages-intérêts aux propriétaires du tréfonds gênés dans leurs opérations. Mais fallait-il appliquer le même principe lorsque les mesures prescrites et les interdictions édictées avaient pour objet la conservation d'un ouvrage public, et plus spécialementd'un chemin de fer ? Sur ce point, des controverses se sont produites en doctrine et des hésitations se sont tout d'abord manifestées enjurisprudence. Dans une première opinion, on a soutenu que la mine devait supporter sans indemnité toutes les sujétions qui lui étaient imposées pour la conservation du chemin de fer, tout comme celles qu'elle doit subir dans l'intérêt des propriétaires de la surface. Il s'agit là, disait-on, d'une servitude légale, quel que soit l'usage fait de la surface. Et l'Etat, comme aussi ses concessionnaires, ne doivent pas être dans une situation différente de celle des particuliers. Cette thèse fut défendue avec énergie par M. le procureur général Dupin, dans la célèbre affaire de Couzon, devant la cour de cassation statuant toutes chambres réunies en 1841. Elle ne triompha ni devant l'autorité judiciaire,

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qui, sous prétexte d'expropriation indirecte, se reconnaissait, nous l'avons vu, originairement compétente pour connaître des actions en indemnité de cette nature, ni devant la juridiction administrative, qui a appliqué ici sa théorie générale sur les dommages causés pour travaux publics. Et M. le président Picard a fort bien dégagé les raisons qui ne permettaient pas de traiter de la même façon les sujétions imposées à une mine dans l'intérêt de la surface et celles imposées dans l'intérêt d'un ouvrage public et spécialement pour assurer la sécurité d'une voie ferrée. «Sans doute, écrit-il, les concessionnaires de mines sont tenus de n'apporter aucun trouble à la jouissance des fonds supérieurs, aucun obstacle aux constructions que voudraient élever les propriétaires de ces fonds ; sans doute, ils doivent subir sans indemnité toutes les mesures que l'administration viendrait à leur prescrire en vertu de l'article 50 de la loi du 21 avril 1810, pour sauvegarder les bâtiments ou autres ouvrages établis par les particuliers à la superficie ; mais c'est à la condition que ces ouvrages ne dépassent pas la limite des œuvres ordinaires de l'homme. Or, dans la plupart des cas, les grands travaux publics excèdent ces limites ; leur établissement ne constitue pas un usage normal de la propriété ; ils exigent une protection spéciale, sortant dii cadre des mesures habituelles de protection que peut commander la libre jouissance des terrains supérieurs. En vendant ces terrains à l'Etat ou à la compagnie, les anciens possesseurs du sol n'ont pu lui transmettre que les droits dont ils étaient eux-mêmes détenteurs ; ils n'ont pu l'investir, au regard de la mine, d'une souveraineté supérieure à celle dont ils étaient eux-mêmes fondés à' se prévaloir. Il y a là une distinction qu'a faite avec raison M. Robert, commissaire du Gouvernement au conseil d'Etat, quand il a présenté, en 1864, ses conclusions sur la demande introduite pour la société des mines de Combes contre-la compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée. » Le conseil d'Etat n'a donc jamais cessé, sous l'empire de la loi de 1810, d'admettre la possibilité d'indemnités à.raison des sujétions imposées aux mines dans l'intérêt de la conservation des chemins de fer [Voyez notamment: conseil d'Etat: Mines de Combes, 15 juin 1864 (Leboii, p. 577); Ogier et Larderet, 5 février 1875 (Lebon, p. 112)]. Et l'administration, constatant l'équité de cette jurisprudence, prit soin d'annexer dans les cahiers des charges des chemins de fer une disposition la consacrant expressément : c est l'article 24 du cahier des charges-type, ainsi conçu: « Si le