Annales des Mines (1900, série 9, volume 9, partie administrative) [Image 229]

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LOIS, DÉCRETS ET ARRÊTES

salaire ne soit pas l'élément le plus compressible, l'élément sacrifié du prix de revient. Syndicats ouvriers et syndicats patronaux s'élèvent en face les uns des autres sous le coup d'inéluctables nécessités; et, dans la petite comme dans la grande industrie se fait sentir le besoin d'explications, de traités, de conventions de travail entre les deux forces égalisées. En raison peut-être des traditions d'autorité absolue, qui ont formé l'esprit patronal, en raison aussi des méfiances accumulées dans certains milieux ouvriers, les commissions mixtes formées des représentants des syndicats patronaux et des syndicats ouvriers sont, en effet, restées, en France, à l'état d'exception. En dépit des progrès accomplis dans l'esprit public, depuis la promulgation de la loi de 1892, par les idées d'arbitrage et de conciliation, elles n'ont pas fait, dans la pratique, les progrès qu'on attendait. Il n'est, dès lors, pas indifférent d'habituer les patrons et les ouvriers à se rencontrer périodiquement, à discuter ensemble, avec courtoisie et en dehors de toute subordination hiérarchique, dans des réunions où leurs intérêts personnels et immédiats ne se choquent pas directement. Il n'est pas inutile de former ainsi des conciliateurs et des arbitres désignés d'avance par le suffrage de leurs pairs et ayant déjà fait apprécier leur sangfroid et leur esprit d'équité. De telles pratiques ne peuvent qu'aider à acclimater les nouvelles mœurs que l'on voudrait en honneur. En les intronisant, le Gouvernement de la République reste fidèle à son rôle de pacificateur et d'arbitre. En dehors de ces considérations, le rôle consultatif et organisateur à attribuer aux conseils du travail me semble encore avoir la plus haute portée. Les conditions du travail deviennent, avec le développement du machinisme el des transports, de plus en plus complexes. Appelé quotidiennement à intervenir pour la protection légale des travailleurs, le Gouvernement a besoin d'être informé par des corps importants, auxquels leur composition assure une compétence et une autorité spéciales, à qui il puisse confier certaines éludes, demander des avis avec de sérieuses garanties d'exactitude et d'impartialité. Ces avis sont le complément nécessaire des renseignements demandés aux syndicats. Parmi les exemples que nous offre l'expérience des peuples voisins, j'invoquerai tout particulièrement celui de la Belgique. La loi belge de 1887 a organisé des conseils de l'industrie et du travail dont les attributions sont de trois ordres : 1° délibérer sur les intérêts communs des patrons et des ouvriers; 2° prévenir et au besoin aplanir, mais sans l'emploi de mesures coercitives,

SDR LES MINES, ETC.

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les différends cjui peuvent naître entre eux; 3° donner, sur la demande du Gouvernement, leur avis sur des questions ou des projets d'intérêt général relatifs à l'industrie ou au travail. Nous avons mis à profit l'expérience de nos voisins. Nous avons renforcé les attributions normales des conseils du travail, leur action régulière en dehors de tout conflit déclaré ou imminent; nous leur avons confié diverses missions pratiques et permanentes de nature à intéresser fortement leurs membres à l'œuvre commune. Nous n'avons pas négligé non plus les lumières qui nous venaient des études poursuivies en 1893 par notre conseil supérieur du travail. Pour la cinquième session de ce conseil, qui eut lieu en mars 189b, la commission, présidée par M. Léon Say, avait, à l'unanimité moins une voix(*), présenté un projet relatif aux chambres et conseils du travail. Le projet comprenait quatre titres : Titre Ier. — Des chambres du travail (ce sont nos conseils du travail) ; Titre IL — De la procédure de conciliation et d'arbitrage ; Titre III. — Dispositions diverses; Titre IV. — Des conseils libres du travail. Les chambres du travail devaient avoir les attributions des conseils belges de l'industrie et du travail el le même mode de recrutement. Si nous avons, comme je l'avais indiqué, précisé les attributions et modifié le recrutement des conseils du travail, néanmoins les idées directrices des deux projets restent sensiblement les mêmes. Nous n'avons pas repris les titres II, III et IV du projet de la commission permanente du conseil supérieur du travail, parce que les articles qui en forment la partie essentielle contiennent des dispositions d'ordre législatif; c'est également dans un projet de loi que nous insérerons les mesures à prendre pour faciliter l'arbitrage et assurer, aux décisions des arbitres, les sanctions compatibles avec notre régime économique. Le principe des chambres de travail fut repoussé, en 1893, par le conseil supérieur du travail, à la majorité de 2b voix contre 22.

(*) La commission était composée de MM. Ghallemel-Lacour, Jules Simon, Léon Say, Mesureur, Appert, Champoudry, Colson, Detaunay, lielleville, Denis Poulot, Hector Dépasse, Dervillé, Constant, Deville. Gibault, Guillain, Heurteau, Huet, Cl. Janin, Keufer, Labeyrie, Lamendin, Lyon-Caen, Moron, G. Nicolas, Portailher, Tolain, Saincère, Villard.