Annales des Mines (1900, série 9, volume 9, partie administrative) [Image 120]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

238

JURISPRUDENCE.

239

JURISPRUDENCE.

Attendu que le bureau général du conseil des prudhommes, saisi de ces conclusions, les a rejetées par son jugement du 6 février 1900 et s'est déclaré compétent en se fondant: 1° Sur ce que l'exception d'incompétence, n'ayant pas été soulevée devant le bureau particulier du conseil, était tardive; 2° sur ce que, si le décret du 31 août 1885, qui a institué le conseil des prudhommes de Saint-Étienne, section des industries diverses, ne contient pas, dans l'énumération des professions qui y sont indiquées, celle d'exploitant de mines, il contient cependant celle d'exploitant de carrière, profession dans laquelle doivent être classés, d'après l'appréciation du conseil des prudhommes, les amodiataires tels que dame Vvc Payen, et qu'au surplus ces mêmes amodiataires sont électeurs prudhommes, au titre de la troisième catégorie ; Attendu que le conseil des prudhommes, après avoir affirmé sa compétence et retenu la cause, a constaté que dame V"Payen a déclaré devant lui qu'elle n'avait rien à ajouter à ses déclarations précédentes, et passant outre au jugement sur le fond, a, par sa décision rendue le même jour, 6 février 1900, condamné V"e Payen à payer à Guillaumond : 1° la somme de 74 fr. 12 pour 14 journées de travail à 4 fr. 36 l'une, prime de 9 p. 100 comprise ; 2° 6 journées de travail au même prix à titre d'indemnité de huitaine, soit 26 fr. 16; 3° et 25 francs d'indemnité pour courses et temps perdu, avec de toutes ces sommes les intérêts de droit et les dépens de l'instance ; Attendu que c'est de ce jugement que dame Vvo Payen a interjeté appel, du chef du rejet de l'exception d'incompétence, suivant exploit de l'huissier Jalabert, du 8 février 1900, et qu'aujourd'hui le tribunal est appelé à se prononcer : 1° sur la recevabilité de l'appel dont il est saisi ; 2° sur le bien-fondé de cet appel; Sur la recevabilité de l'appel : Attendu que, quelle que soit l'importance minime engagée dans un litige, lorsque la partie assignée soulève devant le juge saisi de ce litige une exception d'incompétence, cet incident de compétence ne peut être jugé par le juge du premier degré qu'en premier ressort; que, dans l'espèce, l'appel émis par Vvc Payen est donc recevable, et que cette recevabilité impose au tribunal le devoir de se livrer à l'examen des moyens de fond invoqués pour la faire valoir ; Sur le bien-fondé de l'appel : Attendu que les conseils de prudhommes constituent une juridiction d'exception qui ne peut être appelée à connaître que

des causes entrant dans le Cercle de ses attributions restreintes; Attendu qu'aux termes de l'article 10 du décret du 11 juin 1809, encore en vigueur, puisqu'aucune loi postérieure n'en a prononcé l'abrogation, nul ne peut être justiciable des conseils des prudhommes, s'il n'est marchand, fabricant, chef d'atelier, contremaître, ouvrier compagnon ou apprenti; qu'ainsi un des principes qui limitent la compétence des prudhommes au point de vue de la qualité des justiciables, c'est la nécessité de la qualité ' de commerçant chez celui des plaideurs qui se présente comme patron ; qu'indépendamment de l'article 10 du décret précité du 11 juin 1809, dont les dispositions sont nettes et précises en ce er point, la loi du 1 juin 1853, qui revise le décret du 6 juin 1848, loin d'innover sur le même point, s'inspire du même esprit en subordonnant l'électorat à la patente ; Attendu qu'aux termes de l'article 32 de la loi du 21 avril 1810 sur les mines : L'exploitation des mines n'est pas considérée comme un commerce et n'est pas sujette à la patente; que, dès lors, les exploitants de mines, qui ne peuvent être ni électeurs prudhommes, ni éligibles, puisqu'ils ne sont ni commerçants, ni patentables, ne sauraient dépendre d'une juridiction à laquelle aucun lien ne les rattache; que si, exceptionnellement, des exploitants de mine ont pu être considérés comme commerçants, c'est quand, à leur industrie, consistant à extraire du sol les richesses minières qu'il renferme, ils adjoignent un commerce spécial consistant, par exemple, à transformer la houille en coke et à vendre ce produit, qui n'est plus alors un produit du sol, mais constitue un produit manufacturé ; que tel n'est pas le cas de V" Payen, qui se borne à extraire le charbon de l'intérieur du sol et à procéder à son écoulement dans le commerce ; Attendu que l'article 32 de la loi du 21 avril 1810 ne distingue pas entre l'exploitant concessionnaire de la mine et l'exploitant simple amodiataire ou sous-amodiataire de la même mine, que, là où la loi ne distingue pas, on ne saurait établir aucune distinction, et qu'il faut admettre avec le législateur que l'exploitant amodiataire d'une mine n'est pas plus commerçant que l'exploitant concessionnaire ; qu'il suit de cette disposition de la loi que le conseil des prudhommes n'est pas compétent pour connaître des difficultés nées entre l'exploitant d'une mine et des ouvriers; que, par suite, la contestation soulevée entre dame Vvc Payen et Guillaumond échappait à la compétence du conseil des prudhommes ; Attendu que, dans cet ordre d'idées, il a été jugé que les con-