Annales des Mines (1887, série 8, volume 6, partie administrative) [Image 205]

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Par conséquent, c'est a juste titre que Malécot lui demande aujourd'hui réparation de la perte de ses redevances, réparation qu'il convient de fixer au montant même de celles-ci, soit 6.979f,56. En ce qui concerne les consorts Bonamour, et aussi les consorts Guillemin, lesquels continuent à ne point comparaître, bien que réassignés :

Il est établi par l'ensemble des documents versés aux débats : 1° que Benoit Bonamour, auteurs des consorts Bonamour, a été l'un des administrateurs de la compagnie de la Baraillère de 1856 au 23 février 1858; 2° qu'une fois démissionnaire, il a conservé en toute propriété 306 actions sur les 6.000 qui formaient le fonds social; que, d'autre part, Louis Guillemin, auteur des consorts Guillemin, a fait également partie de l'administration de la Baraillère, soit pendant la période susvisée de 1856 à 1858, soit pendant celle d'août 1860 au 28 novembre 1861 ; 4° que la houille extraite, par l'effet des empiétements imputables à la Baraillère, représente, pendant la première de ces deux périodes, une quantité de 398 tonnes, dont la redevance s'élèverait à la somme de 762 francs, et pendant la seconde, une quantité de 3.711 tonnes en chiffres ronds, soit les 7/8 de 4.242 tonnes (l'autre 1/8 à la charge de la société Deville) dont la redevance s'élèverait à la somme de 5.255f,30. Et, d'autre part, en droit, les dits Bonamour et Guillemin, à raison de leur qualité d'administrateurs de la Baraillère de 1856 à 1858 et de la faute commise par eux en n'empêchant point, au moyen d'une surveillance attentive, les empiétements dont il s'agit, se trouvent également et solidairement responsables, visà-vis de Malécot, de toutes les parties de tréfonds que celui-ci a éprouvées durant cette période. Il en est de même pour Guillemin, relativement aux empiétements de 1860 à 1865, tandis que Bonamour, alors simple actionnaire, ne saurait être recherché que dans la mesure de ses actions, soit les 306/6000 de 6.000. Au surplus les débats n'ont fourni aucune contestation sérieuse au sujet de ces divers points, et Bonamour s'est à peu près borné à invoquer le bénéfice de la prescription triennale, sous prétexte que l'empiétement à l'occasion duquel il est poursuivi constituerait un véritable vol ou tout au moins une contravention à la loi du 21 avril 1810. Sur le premier moyen :

Si l'on envisage soit le peu d'étendue des empiétements liti-

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gieux, soit les diverses circonstances qui les ont précédés et accompagnés, soit enfin et surtout cette considération que les deux compagnies limitrophes n'attachaient aucune importance à garder rigoureusement leurs limites séparatives et se tenaient compte ensuite l'une à l'autre des conséquences de leurs usurpations, on demeure convaincu que les auteurs des empiétements dont il s'agit n'ont pas eu la mauvaise foi nécessaire pour constituer et caractériser toute soustraction frauduleuse. D'ailleurs, en fût-il autrement, aucun doute ne saurait se produire sur ce point, à savoir que : Bonamour est resté absolument étranger à la perprétation matérielle du vol, de telle sorte que sa défense, quant à l'exception qu'elle propose, devrait prouver ou articuler que, du moins, il s'en est rendu complice par l'un des moyens énoncés aux articles 60 et 62 du Code pénal; car l'exception dont il s'agit ne saurait être civilement proposée que par celui contre lequel, avant l'échéance de la prescription, l'action de vol ou de complicité de vol eût été admissible ; pourtant, à cet égard, la moindre preuve n'est faite ni même proposée, et il résulte, au contraire, de tous les éléments du procès, que la faute de Bonamour, comme celle de Guillemin, consistent uniquement à n'avoir pas rempli d'une manière attentive les devoirs de surveillance que leur imposaient leurs fonctions d'administrateurs ; de telle sorte qu'ils se trouvent responsables vis-à-vis de Malécot, non parce qu'ils auraient participé directement ou indirectement aux empiétements litigieux, mais parce que, pouvant et devant les empêcher, ils ont, par négligence et inattention, omis de le faire. Et, ainsi appréciée, leur responsabilité ne découle point d'un délit, susceptible d'être couvert en ce qui concerne les réparations pécuniaires, aussi bien qu'en ce qui concerne la peine, par la prescription de trois ans, mais exclusivement d'un quasidélit, d'une simple faute civile, que la prescription de trente ans seule pourrait effacer. Sur le second moyen :

Bonamour prétend que les empiétements au sujet desquels il est recherché, s'ils ne renferment tous les éléments du délit de vol, constituent, du moins, une infraction, soit à l'article 5 de la loi du 21 avril 1810, soit aux clauses de l'acte de concession de la Baraillère, et tombant ainsi sous l'application des articles 93 et 96 de ladite loi, lui permettent d'invoquer encore les dispositions des articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle, relatives à la prescription triennale.