Annales des Mines (1886, série 8, volume 5, partie administrative) [Image 168]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

334

JURISPRUDENCE. JURISPRUDENCE.

la division ou le déplacement de la responsabilité, constitue une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé par des conventions particulières à peine de nullité. Dans l'espèce, la question est de savoir si la zone de 17 mètres de hauteur réservée par la Société Cockerill, propriétaire de la superficie du terrain minier, est de nature à constituer un empiétement sur la concession même de la mine, dont elle serait, en réalité, un véritable démembrement prohibé par l'article 7 précité. Pour résoudre cette question, il serait nécessaire de connaître exactement le périmètre de la mine concédée, sa limite exacte, sa hauteur et le point où elle prend fin, en rejoignant la couche superficielle dont l'exploitation à ciel ouvert est réservée au propriétaire du fonds par la loi et par l'article 3 du décret de concession. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur la demande en nullité formée par l'appelante jusqu'à ce que cette délimitation ait été opérée. Mais cette opération, qui a pour but l'examen et l'application du décret de concession, a un caractère essentiellement administratif, et la Cour est incompétente pour en confier l'exécution à des experts judiciaires. Par ces motifs, la Cour, sans s'arrêter ni avoir égard à la demande en résolution de la convention des 24 novembre, 5 et 9 décembre 1878, formée par l'appelante, soit pour inexécution de la part de l'intimée, soit pour cause de force majeure, laquelle est dès à présent rejetée comme mal fondée, surseoit à statuer sur la demande en nullité pour cause de violation de l'article 7 de loi du 21 avril 1810, jusqu'à ce que, à la requête de la partie la plus diligente, la délimitation de la mine concédée à la Société de Saulnes, par décret du 25 juin 1873, ait été opérée par l'autorité administrative. Tout demeurant en l'état et réservé.

III. — Arrêt rendu, le 8 novembre 1886, par la Cour de cassation (chambre des requêtes), dans l'affaire qui est l'objet des jugement et arrêt précédents. (EXTRAIT.)

Sur le moyen unique du pourvoi, fondé sur la fausse application et la violation de l'article 7 de la^oi du 21 avril 1810, ainsi

335

que des règles de compétence en matière de mine, en ce que ledit article n'ayant interdit que la vente par lots ou le partage des mines, sauf autorisation préalable du gouvernement, l'arrêt attaqué a eu le tort de supposer qu'il aurait également interdit la simple délimitation amiable des propriétés minières contiguës et a fait dépendre la validité d'une telle délimitation du point de savoir comment la délimitation aurait été faite par l'autorité administrative, dans le cas où, à défaut d'accord entre les parties sur la détermination des limites respectives, l'autorité administrative aurait été seule compétente pour l'opérer: Aux termes de l'article 29 de la loi du 21 avril 1810, l'étendue d'une concession est déterminée par l'acte qui l'institue; ses limites sont fixées après enquête, en prenant en considération non seulement les intérêts privés, mais encore des intérêts publics de diverses natures et notamment la conservation des richesses minérales du pays et la sûreté des personnes et des propriétés; il ne peut être permis, par des accords privés, de modifier les délimitations faites dans l'acte constitutif de la concession par l'autorité publique. Le décret de concession de la mine de Saulnes n'ayant indiqué que d'une manière qui restait obscure et incertaine pour la Cour d'appel de Nancy, les limites entre cette concession et la minière de la Société Cockerill, celle-ci se plaignant d'empiétements qui auraient été commis sur sa propriété et demandant, à raison de ce,des restitutions avec dommages-intérêts, la Cour d'appel, tout en retenant le jugement du fond dont il lui appartenait de connaître, a prononcé un sursis, tout demeurant "en l'état et réservé, et a renvoyé les parties à se pourvoir pour faire délimiter par qui de droit la mine concédée par le décret du 25 juin 1873. En procédant ainsi, malgré les erreurs qui ont pu se glisser dans les motifs de sa décision, au point de vue de la restriction qu'ils paraissent apporter au droit pour les concessionnaires de rétrocéder et vendre leur concession elle-même sans autorisation du gouvernement, la Cour de Nancy n'a nullement porté atteinte au respect dû à la propriété minière, telle qu'elle est constituée par la loi de 1810, ni violé aucune des dispositions de celte loi et elle s'est conformée aux règles sur la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire.