Annales des Mines (1886, série 8, volume 5, partie administrative) [Image 150]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

298

JURISPRUDENCE.

jour un salaire plus que suffisant à l'accomplissement de ses devoirs de famille. Ces éléments d'appréciation , les déduites de l'instance, la situation respective des parties, les autres causes de dommagesintérêts, autorisent le tribunal à évaluer à l'indemnité à allouer à chacun des trois enfants mineurs de Jean-Joseph Taberlet jusqu'à leur majorité, tant pour leur entretien que pour leur éducation professionnelle. Par ces motifs, le tribunal statuant en premier ressort, sans s'arrêter aux autres conclusions des parties desquelles elles sont déboutées, condamne Uhler-Robcrt personnellement et la Société anonyme, dont il est le représentant, à payer solidairement à la demanderesse, ès-qualité, la somme annuelle de pour chacun de ses enfants mineurs jusqu'à l'époque de leur majorité. Condamne le défendeur aux dépens et au coût du présent jugement.

III. Arrêt rendu, le 26 août 1884, par la Cour d'appel de Chambéry. (EXTRAIT.)

Sur l'exception de non recevabilité de faction intentée par la veuve Taberlet, es noms : Uhler oppose à la demande de l'intimée une quittance par elle signée, le 3 septembre 1882, de la somme de , comptée par Uhler à cette date, pour indemnité de l'accident dont le sieur Taberlet, son mari, a été victime le 16 août 1882. Mais, à bon droit, les premiers juges ont repoussé cette exception, par le motif tiré de ce que la prédite somme de...., pour la plus grande partie , représentait exclusivement le bénéfice acquis à la veuve Taberlet et calculé sur l'importance des prélèvements opérés sur le salaire de son mari. En effet, l'ouvrier qui s'est assuré contre les accidents fortuits ou dus même à sa propre imprudence, un capital proportionnel aux primes par lui payées sur son gain journalier, n'a pu, par cette combinaison, renoncer à l'indemnité légitimement due à sa famille, dans le cas où il serait établi que l'accident dont il a été victime est dû à l'imprudence ou à la négligence du directeur de l'usine où il était employé; ainsi, la quittance dont s'agit doit être restreinte à son objet spécial, à savoir la libération de la Société suisse d'assurances; mais Ulher est sans droit

JURISPRUDENCE.

299

à l'invoquer, pour s'affranchir des conséquences civiles de l'accident survenu à l'assuré Taberlet. D'ailleurs, il n'est pas énoncé dans la quittance que la veuve Taberlet ait signé comme tutrice de ses enfants. Si, moyennant le paiement de la somme de , principal de l'assurance, elle a, de son chef, renoncé à toute réclamation ultérieure, sa renonciation est inopposable à ses enfants mineurs. D'autre part, les deux gratifications supplémentaires de , et , par elle reçues de la Société d'Armoy, doivent être considérées comme des sommes offertes à titre de premiers secours à la veuve Taberlet, pour subvenir à ses besoins les plus urgents, à la nourriture et à l'entretien de ses enfants en bas âge; mais l'acceptation de ces deux dons par l'intimée laisse intacts les droits éventuels de ses enfants, sur lesquels la loi lui interdit de transiger ou de compromettre. Sur la deuxième exception: Vainement Uhler excipe d'un défaut de responsabilité directe dans l'accident survenu à Son ouvrier, et c'est à juste titre que la veuve Taberlet a dirigé contre lui son action en dommagesintérêts. En effet, personnellement cité devant le tribunal correctionnel de Thonon, Uhler a été condamné comme auteur involontaire de la mort de Taberlet; le jugement correctionnel du 10 niai 1883 relève l'imprudence ou la négligence d'Uhler qui, malgré les avertissements du garde-mines, a continué l'exploitation de la carrière dans des conditions qui offraient de réels dangers aux ouvriers. C'est précisément dans les motifs de cette décision qui font ressortir l'incurie avec laquelle il a été procédé à cette exploitation et l'omission regrettable de la surveillance qu'elle réclamait de la part d'Uhler, que l'intimée a puisé le principe de l'action en indemnité qu'elle a directement intentée contre lui, au nom de ses enfants mineurs. C'est donc à bon droit que le jugement déféré a déclaré Uhler responsable des conséquences civiles de l'accident dont s'agit, l'a retenu en l'instance de son chef propre, et aussi solidairement avec la Société d'Armoy comme directeur de laquelle il a été pris par même exploit, aux frais de l'action civile. Sur les dommages-intérêts réclamés : Sans s'arrêter à l'appel incident qui est mal fondé, la Cour a des éléments suffisants d'appréciation pour arbitrer le quantum de ces dommages,