Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 207]

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extrait ou fait extraire, sur le territoire de la commune de SaintJean-Bonnefond, une certaine quantité de charbon au préjudice de la Compagnie des houillères de Saint-Étienne. Dès lors, il suffit de rechercher le caractère de cette extraction. En droit, il n'y a, au point de vue du vol, aucun motif de faire une distinction entre la houille et tout autre produit; la propriété minière, il cet égard, mérite la même protection que toute autre propriété ; dès lors, les atteintes a cette propriété doivent tomber sous l'application du droit commun ; il est, d'ailleurs, de jurisprudence constante, que la soustraction frauduleuse du charbon constitue le délit de vol et donne lieu à l'application fréquente de peines correctionnelles prononcées en vertu des articles 379 et 401 du Code pénal. En fait, C a soustrait au préjudice de la Compagnie des houillères de Saint-Etienne une quantité de houille évaluée par les experts a .... tonnes, l'inculpé alléguerait vainement que l'extraction frauduleuse dont il s'agit n'est pas complètement son fait Il est constant que C..., en sa qualité d'ingénieur, avait la direction complète; il a ordonné tous les travaux et l'extraction illicite qui a pu être continuée a un moment donné, en son absence, était le résultat de ses ordres, a été faite de son consentement, et, en tout cas, ratifiée par lui postérieurement. L'inculpé devait retirer un profit personnel de cette soustraction, il louchait en effet 2 0/0 sur le prix de la vente de la houille; il pouvait, en outre, opérer d'autres bénéfices indirects résultant soit de la revente de la concession de la Barallière, soit d'une augmentation de ses appointements fixes; il avait ainsi intérêt à augmenter le plus possible la production de la mine. La mauvaise foi de l'inculpé est évidente : les Compagnies de la Barallière et des Houillères de Saint-Étienne sont nettement délimitées par l'axe de la route de Saint- Jean-Bonnefond ; C a nettement franchi cette limite incontestable et jusqu'ici incontestée des deux concessions; a diverses reprises, il a été averti par plusieurs personnes et il répondit mensongèrement être d'accord, à cet égard, avec la Compagnie voisine, ou être au moins en projet d'arrangement. L'inculpé avait pris de nombreuses précautions dans le but de dissimuler cette exploitation frauduleuse : il avait ouvert ses galeries sur le territoire voisin entre sa limite et une faille, lesdits travaux n'avaient pas été portés définitivement sur le plan

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delà mine, mais figurés seulement au crayon et il donnait l'ordre à son sous-ingénieur de les effacer; peu de jours avant l'arrivée des experts, alors qu'il était averti de leur visite prochaine, il donnait l'ordre de construire trois barrages, dont deux au moins n'avaient d'autre but que de masquer aux experts l'exploitation frauduleuse dans la concession voisine; enfin, en présence des experts, il affirmait et faisait affirmer qu'il n'y avait derrière ces barrages aucune galerie ouverte. De pareils agissements doivent être réprimés : si les empiétements sont quelquefois une nécessité d'exploitation, et se résolvent le plus souvent par une réparation civile, ils ne sauraient être tolérés, lorsqu'ils ne sont justifiés, comme dans l'espèce, par aucun besoin d'exploitation, et sont empreints d'un caractère frauduleux au plus haut degré. En effet, les travaux relatifs à la recherche du système inférieur n'ont eu aucune importance, et la reprise des travaux de la Barallière s'est bornée pour ainsi dire à l'extraction dans la Compagnie voisine. En outre, le prévenu a, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, contrevenu : 1° à l'article 24 du décret du 3 janvier 1813, en ne fournissant pas aux ingénieurs des mines tous les moyens de parcourir les travaux et en ne leur exhibant pas le plan ni les registres de l'avancement des travaux; 2° a l'article 1er de l'ordonnance du 26 rnars 1843, en ne donnant pas avis a l'ingénieur des mines et au maire de la commune des travaux de recherches ou d'exploitation qui étaient de nature à. compromettre la conservation du sol ou la solidité des habitations de la surface; 3" à l'article 9 du cahier des charges, en ne prévenant pas les propriétaires de la surface, des travaux d'extraction opérés dans leurs propriétés. Tous ces faits constituent les délit et contraventions prévus et punis par les articles 379, 401 du Code pénal, 24 et 31 du décret du 3 janvier 1813, 1 et 7 de l'ordonnance du 26 mars 1843, 93 et 96 de la loi du 21 avril 1810, titre X. Toutefois, l'inculpé ne paraît pas avoir retiré le bénéfice de la soustraction ci-dessus relevé; il a de bons antécédents, le Tribunal trouve, dans les circonstances, des motifs d'atténuation de la peine. Par ces motifs, le Tribunal jugeant correctionnellement et en premier ressort, déclare C coupable du délit et des trois contraventions ci-dessus spécifiés et le condamne pour vol à huit jours d'emprisonnement et 500 francs d'amende, et pour