Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 117]

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en vertu de l'article 11 de la loi du 21 avril 1810; la Compagnie a résisté à cette demande en opposant deux moyens; elle a soutenu que l'article 11 n'était pas applicable : 1° parce que le puits, dont la suppression est demandée, a été ouvert dans un terrain dont la superficie lui appartient; 2° parce que la maison et l'enclos de Guillard ont été construits aune époque postérieure à la concession; Sur le premier moyen : Le motif qui a présidé à la rédaction de l'article 11 de la loi du 21 avril 1810 a été de donner paix et sécurité aux habitations et enclos murés qui pourraient se trouver dans le périmètre des concessions de mines; le législateur a pensé avec raison que la propriété bâtie serait dépréciée si les compagnies exploitantes pouvaient établir a moins de 100 mètres de distance, des puits et des machines, sans le consentement des propriétaires des maisons et enclos murés; le motif est le môme, quelle que soit la personne à laquelle appartienne le terrain sur lequel le puits est ouvert; peu importe donc que la Compagnie soit propriétaire du terrain sur lequel est pratiqué son puits, puisqu'elle ne s'est pas conformée aux prescriptions de la disposition invoquée contre elle; le premier moyen doit donc être écarté. Sur le second moyen : L'interdiction d'ouvrir des puits â une distance moindre de 100 mèlres des propriétés bâties ou enclos murés est générale et absolue; la loi ne distingue pas en ce qui concerne l'époque où ces constructions ont eu lieu ; les motifs qui ont présidé à la rédaction de l'article 11 sont les mêmes, quelle que soit l'époque à laquelle les maisons ont été construites; il n'y a donc pas lieu d'établir une distinction qu'aucun texte de loi ne laisse présumer. La Compagnie prétend vainement, pour soutenir que l'on doit distinguer entre les maisons construites avant et après la concession, qu'au moment où elle est obtenue, les compagnies ne doivent èlre grevées que des charges et servitudes existant auparavant, que ce serait créer une servitude nouvelle en faisant jouir les maisons et enclos de construction récente du bénéfice de l'article 11. Le droit de bâtir est un des attributs essentiels inhérents à la propriété du sol, et ce serait lui porter la plus grave atteinte que d'admettre la restriction proposée, et la frapper d'une sorte d'expropriation sans indemnité; reconnaître aux propriétaires de la superficie le droit de construire des mai-

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sons ou enclos en leur déniant l'exercice du droit concédé par l'article 11, ce serait par le fait accorder un avantage qu'on leur retirerait en même temps, et la restriction équivaudrait évidemment à la prohibition de bâtir; au surplus,il n'est pas vrai qu'au moment de la concession toutes les charges de la Compagnie soient fixées; à chaque phase de l'exploitation, il peut se présenter des accidents qui créent des obligations nouvelles àla Compagnie, prévues par la loi; elle objecte encore qu'elle ne pourra, si l'article 11 est applicable, recueillir tous les produits de la mine concédée ; cette objection est sans portée, puisque la loi lui donne la faculté de pénétrer, à l'aide de galeries souterraines, sous la zone prohibée et même sous les maisons pourvu qu'elle prenne la précaution de soutenir le toit delà mine; au surplus, c'est en vertu des principes qui viennent d'être déduits, que les compagnies concessionnaires ont été condamnées â indemniser les propriétaires des maisons construites depuis la concession, en raison des fissures ou éboulements survenus par suite de la négligence de ces compagnies qui n'avaient pas étayé le plafond des mines après l'exploitation ; il suit de laque l'appel interjeté par Guillard doit être accueilli.

111. Arrêt rendu, le 31 mai 1859, par la Cour de cassation (chambre des requêtes). (EXTRAIT.)

Sur le premier moyen : L'article 11 de la loi du 21 avril 1810, qui interdit de faire des sondes, d'ouvrir des puits ou galeries, d'établir des machines, des magasins dans les lieux qu'il spécifie, a moins de 100 mèlres de distance des habitations ou clôtures murées, contient une disposition générale qui n'admet aucune distinction tirée soit de la nature et de la situation des terrains compris dans le rayon désigné, soit de leurs rapports avec ceux qui les possèdent; la ■distance des terrains aux habitations ou clôtures murées est la seule base comme la seule règle de l'interdiction relative aux travaux dont parle ledit article 11; cette mesure étant fondée sur le respect et la liberté du domicile, il importe peu que le propriétaire des constructions le soit en même temps des 100 mètres de terrain y attenant, puisqu'il a un intérêt toujours égal al'éloignement de ces travaux et des dangers ou des inconvénients qu'ils entraînent.