Annales des Mines (1882, série 8, volume 1, partie administrative) [Image 120]

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JURISPRUDENCE.

Mais il est de règle générale que toute occupation de la propriété d'autrui doit être précédée de la notification de l'autorisation qui l'a motivée et justifiée, et s'il en était autrement, le propriétaire serait placé dans l'impuissance absolue de protéger ses droits et de défendre ses intérêts. Les lois spéciales en matière de travaux publics entrepris par l'État, les départements et les communes, loin de déroger aux principes généraux, reconnaissent formellement que toute occupation temporaire doit être précédée d'un avertissement donné aux propriétaires (loi du 16-22 septembre 1791, section VI, article 1"; loi du 21 mai i836, article 17). Notamment, lorsqu'il s'agit de travaux publics à exécuter par l'administration des ponts et chaussées ou par la voierie départementale et communale, le décret du 8 février 1868, portant règlement pour les occupations temporaires, exige: 1" la notification 0 préalable de l'arrêté préfectoral au maire de la commune; 2 la notification par le maire au propriétaire intéressé ; 3° la notification par l'entrepreneur et par lettre chargée au même propriétaire, ainsi que l'indication du jour et de l'heure de l'exécution de l'arrêté; k° un constat contradictoire des lieux à occuper, et on ne saurait admettre que de simples concessionnaires soient affranchis des formalités auxquelles sont soumises les administrations publiques elles-mêmes. D'aiileurs, l'arrêté du i5 mars 1881 ne dispense pas la société ie J. Holtzer et C de toute notification à la société des mines de Fillols, et, tout au contraire, ledit arrêté marque en son article 2 que l'occupation ne pourra avoir lieu qu'après la notification de l'autorisation, et il ne faut pas confondre cette notification qui doit être adressée au propriétaire ou au fermier avec celles que l'administration fait au concessionnaire pour lui donner un titre, au maire pour le charger de veiller à l'exécution paisible et régulière de l'arrêté d'occupation. Si l'on pouvait admettre que le maire était chargé de cette notiie fication, il était du devoir étroit de la société J. Holtzer et C de s'assurer, avant toute occupation, que la société des mines de Fillols avait été avertie. Il est vrai que la société appelante se prévaut de la notification suivie d'actes d'offres signifiés à la société intimée par exploit du 1" avril 1881 ; mais cette notification, loin de couvrir l'illégalité et l'irrégularité de l'occupation antérieure, ne fait, si peu qu'elle ait duré, que la mettre mieux en évidence. Sur le défaut de payement préalable de l'indemnité :

JURISPRUDENCE. Si, en règle générale, l'occupation définitive de la propriété d'autrui ne peut s'effectuer qu'à la condition de payer au propriétaire exproprié une juste et préalable indemnité (545, Code civil), il n'en est pas de même de l'occupation temporaire qui se règle par des indemnités presque toujours successives et basées sur l'étendue du terrain occupé, sur l'importance des dommages constatés et sur la durée de l'occupation. Il n'y a pas à distinguer, quand il ne s'agit que d'une occupation temporaire, entre les travaux publics et les travaux des concessionnaires de mines, puisque les uns et les autres sont de telle nature qu'il n'est jamais possible de fixer, avant de les commencer, le montant de l'indemnité. A l'appui de sa prétention, la Compagnie appelante invoque, défaut d'autre texte, l'article 10 de la loi de 1810 sur les mines; mais, de toute évidence, cet article exceptionnel ne s'applique qu'à l'explorateur, qui n'offre d'autre garantie au propriétaire que celle qui résulte d'un payement préalable pour des travaux et des fouilles qui peuvent toujours s'évaluer facilement. On ne saurait assimiler le concessionnaire, qui offre aux propriétaires des terrains à occuper des sûretés morales et matérielles, à l'explorateur qui ne réside pas sur les lieux, et si l'article Zi3 de la loi de 1810, modifié par la loi du 27 juillet 1880, les place côte à côte quand il s'agit du règlement des indemnités qui leur est commun, ce rapprochement, dans le silence de l'article ha et en l'absence de toute modification à l'article 10 par la loi nouvelle, pourrait suffire pour faire admettre que tous deux sont également soumis à un payement préalable. Il doit en être d'autant moins ainsi que, si le concessionnaire était astreint à cette obligation, il serait à la merci des propriétaires, qui ne manqueraient pas, dans ce but, d'obtenir des indemnités exorbitantes, de lui susciter, à raison de chaque règlement, des contestations qui auraient pour résultat d'arrêter des occupations presque toujours urgentes et de paralyser les travaux. Tenant la nécessité, sinon du payement préalable à l'occupation, tout au moins de la notification de l'arrêté d'autorisation, il faut bien reconnaître que les premiers juges, en déclarant que l'occupation de J. Holtzer et Cie était illégale, et en les condamnant en principe à des dommages-intérêts à fixer après expertise, ont fait ce qu'ils avaient le droit de faire. Par ces motifs, La Cour dit et déclare que la société concessionnaire n'était pas soumise au payement d'une indemnité préalablement à l'occupa-