Annales des Mines (1881, série 7, volume 10, partie administrative) [Image 191]

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JURISPRUDENCE.

II. Arrêt rendu, le 21 février 1881, par la cour d'appel de Riom. (EXTRAIT.)

Sur le grief d'appel réduit en droit d'un défaut de tout principe d'obligations de la compagnie des mines de Pontgibaud envers les intimés demandeurs au procès : La loi du 21 avril 1810, en réglant la concession et l'exploitation des mines, s'est inspirée tout à la fois du respect dû au principe de la propriété et du grand intérêt public qui s'attache à la mise en œuvre des richesses minérales. Sans porter atteinte à l'article 552 du Code civil, qui déclare le propriétaire maître du dessus et du dessous, elle a voulu investir le concessionnaire, non d'un droit précaire et subordonné, mais d'une véritable propriété créée par la puissance publique et dont la mine, légalement inexistante jusque-là, devient l'objet nouveau comme le droit qui s'y applique. Cette création juridique a été expressément et maintes fois affirmée dans la discussion de la loi de 1810, notamment par l'empereur Napoléon I", et elle a été consacrée par l'article 19 de cette loi qui, comme conséquence, édicté que des hypothèques spéciales pourront être assises sur la mine concurremment avec d'autres sur la surface laissée au premier propriétaire; cette distinction des propriétés persiste, d'ailleurs, même au cas où la surface et la mine sont réunies dans les mêmes mains; enfin, l'acte de concession purge, sur le tréfonds transformé, et ce, moyennant une redevance sur les produits de la mine, aux termes des articles 6 et 17, tous les droits des propriétaires de la surface et de leurs ayants droit. Si la propriété de la mine est, comme on l'a dit quelquefois, artificielle en tant que détachée de la surface par la loi, elle n'en est pas moins réelle et, à l'instar des autres, placée dans le domaine de la juridiction civile ; elle doit donc conférer les attributs ordinaires de la propriété avec la même et pleine liberté d'en jouir dans les conciliions légales et réglementaires, sans autre responsabilité envers les tiers que celle qui dériverait du droit commun ou de la loi spéciale; or, en ce qui regarde le droit commun, l'article i382 du Code civil, placé sous la rubrique : « Des délits ou quasi délits », ne peut, par cela même, être appliqué qu'au cas d'une faute commise faciendo ou omiltendo. Devant la loi civile ordinaire, il ne saurait y avoir faute, de la

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part de l'exploitant d'une mine, à creuser et fouiller le sous-sol à une profondeur quelconque, au risque de trancher et détourner des veines d'eau souterraines émergeant à la surface du sol, puisqu'il ne fait en cela qu'user de son droit de propriété de la mine, suivant les articles 5/i4 et 552 du Code civil, et que réaliser le but même de la concession tel qu'il a été ci-dessus expliqué; il reste donc seulement a examiner si la loi spéciale à la matière déroge au droit commun en rendant l'exploitant passible, soit d'une manière absolue, soit dans certains cas seulement, de dommages-intérêts envers les tiers atteints d'un préjudice. Pour soutenir la responsabilité générale de l'exploitant, on se fonde, d'une part, sur la combinaison des articles 6, 10, 11, A3 et suivants de la loi de 1810, d'autre part, et principalement sur l'article i5. Or les premières dispositions susvisées pourvoient, soit à la sanction des droits du propriétaire du sol sur le tréfonds qui lui est retiré ou sur la surface qu'il conserve, soit à la libre jouissance de son habitation et de ses dépendances, mais on ne saurait en déduire aucune restriction de l'exploitation de la mine à l'intérieur; à l'égard de l'article i5, on le rapproche, pour en éclairer la portée, des paroles de l'empereur Napoléon I", qui, dans la séance du conseil d'État du ]3 février 1810, signalait le tarissement des eaux dont un voisin a l'usage parmi les dommages pour lesquels on pouvait astreindre l'exploitant à donner caution de les réparer. Mais il y a lieu de considérer en premier lieu que l'empereur parlait « d'entreprises nuisibles à prévenir », ce qui semblait présupposer un tort de l'exploitant; en second lieu, que si l'article i5 en question a été inspiré par la préoccupation du chef de l'État, il en a restreint la formule législative « aux travaux faits sous des maisons ou lieux d'habitation ou dans leur voisinage immédiat » ; du reste, l'exigence d'une caution a le caractère d'une mesure simplement préventive en vue d'accidents, et ne décidant rien directement sur les applications du principe de l'indemnité; l'article Zi5 est le seul qui règle impérativement la réparation des dommages causés a raison des eaux, soit faisant irruption, soit évacuées par l'effet du voisinage ou pour toute autre cause, quand il s'agit des rapports de deux exploitations minières. L'application de l'article Ii5 dans sa lettre et dans son esprit a été justement et invariablement faite au cas où les travaux souterrains déterminent le tarissement des puits creusés ou des sources émergeant au-dessus même du toit de la mine; dans de telles conditions, la superposition directe des deux propriétés de la surface