Annales des Mines (1879, série 7, volume 8, partie administrative) [Image 72]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

l/ja

JURISPRUDENCE.

la surface occupée ne peut apporter une gêne sensible dans l'exploitation du surplus du sol, lorsque celui-ci est, comme dans l'espèce, en nature de forêt. Les experts ont, d'ailleurs, apprécié les dégâts de toute nature qui pouvaient être causés à la forêt du demandeur, autour des puits et logements d'ouvriers, en dehors du périmètre de l'occupation, sur une surface de 10 hectares 45 ares 85 centiares ; il les ont évalués au 1/8 du produit et ont fixé la réparation de ce dommage à une indemnité annuelle de 66r,g3, qui a été allouée par les premiers juges. Ainsi Boucaud a obtenu satisfaction de ce chef dans une juste mesure. En ce qui concerne Avril : — du rapport des experts il résulte qu'une parcelle de la forêt d'Avoise est inondée par les eaux provenant de l'épuisement de la mine, soit par suite de l'insuffisance des rigoles d'écoulement, soit par des filtrations qui s'opèrent à travers les crassiers. Le sol en cette partie est devenu marécageux; le taillis de chêne qui le couvrait a dépéri et se trouve aujourd'hui remplacé par du tremble et autres bois blancs, de sorte que. la coupe, à vingt ans d'âge, subirait une dépréciation de 24o francs par hectare. Cette inondation ne saurait être assimilée, comme le demande Boucaud, à une occupation, dans le sens des articles 43 et 44 de la loi de 1810, et donner lieu à une indemnité réglée par ces articles; En effet, lorsque le législateur a voulu, par la loi de 1810, constituer, au profit du concessionnaire de la mine, une véritable propriété, distincte de celle de la surface, il s'est préoccupé des servitudes qui résultaient nécessairement de l'état d'enclave de la première. Pour permettre au concessionnaire de l'aborder et l'exploiter, il lui a donné la faculté de s'emparer des terrains indispensables, à l'effet, dit-on dans les discussions préparatoires, d'établir des chemins, des canaux, creuser des puits, faire des dépôts de matière, et de détenir exclusivement ces terrains tant qu'il en aurait besoin, temporairement ou définitivement. Constituant ainsi à son profit une sorte de location ou de vente, suivant les cas, il a dû en fixer le prix à forfait, de manière que le concessionnaire connût à l'avance les charges du contrat. Pour en déterminer le quantum, il a naturellement pris pour base, dans un cas, le revenu ; dans l'autre, la valeur vénale de la parcelle dont le propriétaire était complètement dépossédé de fait, et il les a portés au double, afin de prévenir l'abus que le concessionnaire pourrait faire des facilités d'occupation qui lui étaient données sur le terrain d'autrui. Le législateur a borné à ces seuls cas sa réglementation spéciale. Pour tous les autres dommages résultant de l'ex-

JURISPRUDENCE.

i43

ploitation des mines, qu'il a prévus notamment dans les articles i5 et 45, il s'en est référé au droit commun pour la fixation de l'indemnité. Les dispositions des articles 45 et 44 sont donc exceptionnelles et elles ne doivent pas être appliquées, par analogie, à d'autres cas que ceux pour lesquels elles sont faites. Ainsi elles ne sauraient être invoquées pour fixer la réparation d'un dommage causé au propriétaire de la surface, non point par une prise de possession complète du sol, mais par un acte de négligence, d'imprudence, ou tout autre fait plus ou moins involon-1 taire de l'exploitant. Autrement, en effet, on commettrait souvent une réelle injustice, en faisant payer par l'exploitant le double du revenu d'une parcelle, alors que le propriétaire continuerait à en récolter les fruits atteints seulement de dépréciation. En fait, l'inondation dont s'agit a déprécié, non-seulement les fruits, mais le fonds même, puisqu'elle a eu pour résultat de convertir une forêt de chêne en une forêt de tremble et autre bois blanc, et, la cause venant à cesser, l'effet n'en subsisterait pas moins jusqu'à ce que, par des travaux et semis nouveaux, le propriétaire ait repeuplé le sol d'une meilleure essence. Ainsi il est juste de lui attribuer, dès maintenant, une somme équivalente à la dépréciation du fonds, c'est-à dire le capital de la diminution causée au revenu annuel. Les experts ont évalué la dépréciation du produit de la parcelle inondée à 24o francs par hectare pour une période de vingt ans. Cette somme représente, par conséquent, la diminution annuelle du produit, capitalisée à 5 p. ioo, c'est-à-dire la dépréciation du fonds lui-même. En la multipliant par 5",498, nombre d'hectares inondés, on retrouve précisément la somme de i.3i9f,52 que les experts, par un autre calcul, avaient proposée, et que le tribunal, par d'autres motifs, a allouée comme indemnité définitive pour ce chef. Il y a lieu, conséquemment, de rejeter la demande d'indemnité au double, tout en maintenante dispositif du jugement sur ce point. En ce qui concerne Avril et Mangini : — d'après les principes invoqués relativement à l'inondation de ladite parcelle, l'envahissement par la fumée peut, moins encore que l'envahissement par l'eau, être considéré comme une occupation de terrains, dans le sens des articles 45 et 44 de la loi de 1810. Le dommage qui peut en résulter doit donc être réparé suivant les règles du droit commun. Dans l'espèce, pour apprécier l'existence et la gravité de ce dommage, le rapport invoqué par l'appelant ne saurait inspirer à la cour plus de confiance qu'au tribunal qui avait choisi les experts pour répondre à d'autres questions. Il y a lieu de confirmer