Annales des Mines (1877, série 7, volume 6, partie administrative) [Image 152]

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JURISPRUDENCE.

Dès lors, en décidant que ces redevances, ne présentant pas les caractères de fixité et de périodicité voulues par la loi, ne rentraient dans aucun des cas prévus par l'article 2277 du code civil la cour d'appel, loin de violer ledit article, n'en a fait qu'une exacte' application.

ï. Jugement rendu, le 18 juillet 1876, par le tribunal civil de Draguignan, au sujet de La responsabilité incombant à l'ingénieur d'une mine par suite de la chute, au fond d'un puits d'une personne qui y descendait par curiosité, en compagnie de cet ingénieur (affaire VEUVE BERNARD contre FONTEILLE). (EXTRAIT. )

A l'occasion de la mort accidentelle de Bernard dans le puits de la mine d'Auriasque, le 1" décembre 1875, le ministère public a procédé à une information. Des témoins ont été entendus par le juge de paix de Fréjus et un rapport a été fait par les ingénieurs des mines. Ces documents, communiqués aux deux parties, ont été soumis par elles au tribunal et ont formé la base principale de leur discussion. Il en ressort que la chute de Bernard n'a pas été la conséquence d'une mauvaise installation de la benne dans laquelle s'opérait la descente, d'un choc contre les parois intérieures du puits ou contre le plancher de la galerie de 80 mètres, ni d'une fausse manœuvre quelconque; mais que Bernard, qui, de même que ses deux compagnons Fonteille et Decuers, descendait debout sur les bords de la benne, les mains tenant le câble de suspension, se laissa tout à coup tomber au fond du puits, sans proférer un cri ni une parole. Tout porte à penser qu'il a été pris d'une défaillance subite, qui lui a fait abandonner le câble auquel il se retenait. L'ingénieur ordinaire et l'ingénieur en chef des mines émettent l'un et l'autre cet avis que la position de Bernard, sur le bord même de la benne, n'a pas dû rester étrangère à sa chute; qu'il est regrettable qu'il ait été admis à descendre dans ces conditions et qu'on ne l'ait pas fait placer dans la benne. L'article 29 du décret du 5 janvier 1813 porte : « Aucun étranger ne pourra pénétrer dans une mine sans la permission de l'exploitant ou du directeur, s'il n'est accompagné d'un maître mineur. » Cette dernière disposition a évidemment en vue les dangers

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u'un visiteur peut courir et dont la présence d'un homme de l'art uprès de lui doit le préserver. Dans l'espèce, Fonteille, ingénieur e la mine, accompagnait Bernard. C'était donc Fonteille qui evait prendre les précautions nécessaires pour éviter tout accient. Puisque la position de Bernard, debout sur les bords de la enne, a contribué à sa chute, puisqu'il aurait dû, d'après l'avis es ingénieurs des mines, être placé dans la benne, puisqu'on 'aurait pas dû l'admettre à descendre dans les conditions où la descente s'est opérée, il y a eu, de la part de Fonteille, omission des précautions que ses fonctions l'obligeaient à prendre ; il y a eu imprudence et négligence et, dès lors, responsabilité, d'après les articles 1082 et i383 du code civil. La même responsabilité n'atteint pas Decuers, qui est simplement l'un des administrateurs de la société et n'est pas chargé de la direction technique. La société anonyme du Iîeyrau, citée en la personne du conseil d'administration, est civilement responsable du dommage causé par Fonteille, son préposé, dans l'exercice de ses fonctions (article i584 du code civil). Dans l'appréciation du chiffre du dommage, il est juste de considérer que Bernard s'est, de son plein gré, exposé au danger; que son évanouissement (qui probablement n'aurait pas déterminé sa chute, s'il avait été placé dans la benne) est pourtant un cas fortuit et difficile à prévoir; que Fonteille n'a pas eu, dans les circonstances où il s'est trouvé, tout le temps de réfléchir et de prendre les mesures nécessaires, et que ces considérations, atténuant la faute, commandent une atténuation de la réparation due à la veuve et aux enfants Bernard. Bernard occupait un emploi dont la rétribution s'élevait à i.4oo ou i.5oo francs. L'indemnité de la veuve doit remplacer, dans une certaine mesure, les moyens d'existence que son mari lui procurait et il est naturel de faire cesser ces secours pour le cas où, venant à se remarier, elle trouverait un soutien dans un second époux. Relativement aux enfants, il faut, au contraire, leur allouer un capital, qui leur soit définitivement acquis et dont les intérêts aident, jusqu'à leur majorité, à l'entretien et à l'éducation que leur père ne peut plus leur fournir. Le tribunal met hors de cause Decuers, condamne Fonteille à payer à la veuve Bernard une pension annuelle et viagère de 100 francs, à partir du 1" décembre 1875; condamne Fonteille à payer aux deux enfants Bernard ou, pour eux, à leur mère et