Annales des Mines (1877, série 7, volume 6, partie administrative) [Image 80]

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. Lorsqu'il a paru nécessaire de reviser l'arrêté ministériel de i833, on a fait observer que les expressions de l'article 56 ; ajournement indéfini, manquaient de précision et que la proportion du cinquantième énoncée à l'article ko s'éloignait beaucoup de la règle du droit commun, telle qu'elle est posée pat l'article 1794 du Code civil, ainsi conçu: « Le maître peut résilier le marché à forfait quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses , de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans son entreprise. 1 L'administration a, en conséquence, dans l'arrêté du 16 novembre a 866, substitué aux articles susmentionnés les dispositions suivantes : « Art. 3Zt. Lorsque l'administration ordonne la cessation absolue des travaux, l'entreprise est immédiatement résiliée. « Lorsqu'elle prescrit leur ajournement pour plus d'une année, soit avant, soit après un commencement d'exécution, l'entrepreneur a le droit de demander la résiliation de son marché, sans préjudice de l'indemnité, qui, dans ce cas .comme dans l'autre, peut lui être allouée, s'il y a lieu. « Si les travaux ont reçu un commencement d'exécution, etc... « Art. k5. Dans le cas de résiliation, prévu par l'article 54, les outils et équipages existant sur les chantiers et qui eussent été nécessaires pour l'achèvement des travaux sont acquis par l'État, si l'entrepreneur en fait la demande, et le prix en est réglé degré à gré ou à dire d'experts. » En comparant les deux textes, on voit que celui de 1866 diffère du premier, en ce sens qu'il précise la durée de l'ajournement qui peut donner lieu à résiliation et qu'il s'abstient de toute limitation, en ce qui touche le chiffre de l'indemnité pouvant être accordée à l'entrepreneur, pour le dédommager des avantages dont il serait privé par le fait de cette résiliation. Cependant, ces nouvelles dispositions n'ont pas fait disparaître toute difficulté et, si elles peuvent être considérées comme plus équitables en faveur des entrepreneurs, elles paraissent avoir, dans une certaine mesure, compromis les intérêts de l'État. 11 est arrivé, en effet, que la résiliation a été prononcée, soit parce que l'ajournement était prescrit pendant plus d'une année, soit parce que le conseil de préfecture avait jugé que les crédits ouverts n'étaient pas en rapport avec les dépenses d'installation de l'entrepreneur; l'administration s'est trouvée, alors, en présence du principe établi par l'article i79k du Code civil, c'est-àdire dans l'obligation de dédommager l'entrepreneur de toutes ses

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épenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner -ns son entreprise. On comprend que, lorsqu'il s'agit de travaux de routes, le matéiel employé à ces travaux est trop peu important, eu égard à la omme de dépenses, pour qu'il y ait lieu, de ce côté, de redouter e grands embarras. Mais il n'en est pas de même pour d'autres atégories d'entreprises, telles, par exemple, que celles qui ont our objet l'établissement de chemins de fer, la construction e ponts ou autres ouvrages d'art, l'exécution de travaux à la ■ etc. Dans ce dernier cas, une dépense relativement considéable s'impose pour le matériel seul. La question des crédits, lorsqu'il s'agit d'une entreprise imporante, n'est pas moins délicate. Tout entrepreneur sérieux, en se résentant à une adjudication, doit chercher à se rendre compte u temps qui sera employé à l'exécution complète des travaux u'il soumissionne. Le temps est, en effet, l'un des éléments esentiels de la dépense; cependant la durée d'exécution n'est généralement pas limitée, dans les projets de travaux publics qui ervent de base aux adjudications, et, si on l'indique quelquefois, e n'est qu'à titre de simple renseignement et sans engager à auun degré l'administration, qui ne peut elle-même, en effet, disoser à l'avance de crédits non votés. Cette liberté absolue, que l'administration est obligée de se réerver, a souvent pour conséquence d'imposer aux entrepreneurs es charges imprévues, et par cela même peu équitables, si, au ieu d'ajourner indéfiniment les travaux ou de les suspendre penant plus d'une année, seuls cas prévus par l'article 3/t, elle ne eut accorder pendant plusieurs années successives que des créits hors de proportion avee les dépenses d'installation et avec importance de l'entreprise. Aussi, bien que le cahier des clauses et conditions générales soit muet à cet égard, il arrive que, dans des cas semblables, l'administration prononce souvent d'elle-même la résiliation de l'entreprise ou que les tribunaux administratifs, par des décisions plus conformes à l'équité qu'au droit rigoureux, assimilent le ralentissement des travaux à cette suspension ou à cet ajournement prévu par l'article ôk ■ C'est ainsi que les conseils de préfecture, peu familiers avec l'art des constructions et s'appuyant sur les règles du droit commun, sont amenés à appliquer, souvent au grand détriment du trésor, l'article 1794 du Code civil, dont le principe est rigoureusement juste, mais dont l'application présente tant de difficultés et d'incertitude. Les considérations qui précèdent portent à regretter deux cho-