Annales des Mines (1870, série 6, volume 9, partie administrative) [Image 98]

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ENQUÊTE

OFFICIELLE

SUR

LA

CONDITION DES OUVRIERS

La publication des résultats de l'enquête belge n'est que la transcription textuelle des tableaux et rapports adressés au ministre par les ingénieurs. L'administra ion centrale s'est bornée à rédiger un questionnaire; elle a laissé aux ingénieurs principaux et en chef le choix des objets sur lesqutls porteraient de préférence leurs observations et de la forme sou s laquelle ils les présenteraient; puis elle a publié commentaires et documents, sans les coordonner ou, tout au moins, les résumer dans des tableaux récapitulatifs. De cette façon, on est parfois embarrassé de se former une opinion sur les points les plus intéressants, parce qu'on ne possède que des observations relatives aux conditions particulières de certaines localités, observations qu'il serait téméraire de généraliser, sans moyen de contrôle, et d'étendre à tout le pays. Nous procéderons avec prudence dans ce travail d'analyse, corrigeant les opinions les unes par les autres, relevant leur concordance, nous résignant parfois aussi à signaler des lacunes, des renseignements incomplets, des impressions quasi-personnelles, en un mot l'absence de conclusions générales.

DANS LES MINES ET USINES DE

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BELGIQUE.

égard sont, du reste, unanimes pour déclarer que leur effet utile est toujours moindre la nuit que le jour. » Aussi, dans les houillères qui ont adopté cette division en deux périodes, le travail du jour est-il de beaucoup le plus important: « 11

consiste: 1°

à

l'intérieur, dans l'arrachement, le transport et l'extraction

du charbon; 2» à la surface, dans la réception, le triage, la mise en place ou le chargement. Le travail de nuit ne consiste, à l'intérieur, que dans l'ouverture des galeries, le remblayage des tailles, les raccommodages et le transport des déblais et de= bois; à la surface, il est presque nul.

«A

quelques exceptions près, ces deux périodes commencent

à

six heures

du

matin et à six heures du soir. Dans les travaux delà surface, les ouvriers alternent; une semaine, ils sont de jour, et

l'autre

semaine, de nuit.

Il

ne peut

pas en être ainsi pour les travaux souterrains qui varient de nature, à moins que l'ouvrier ne préfère travailler tantôt à la veine, tantôt à la pierre. » Mais « le nombre des personnes occupées est beaucoup moindre la nuit que le jour, et, en outre, le labeur est moins rude, notamment pour les femmes et les enfanls, qui ne sont là que comme des aides utiles à des moments donriés. » Quelques directeurs de charbonnages du bassin de Charleroi « paraissent entrer dans une voie de perfectionnement. Le lundi, la descente ne commence qu'a sept heures du matin ; on l'avance ensuite insensiblement chaque jour

IL

DISTRIBUTION DU TRAVAIL.

de

la semaine, de manière que le travail soit fini de bonne heure le samedi soir et le dimanche matin. L'ouvrier éloigné a ainsi le temps d'arriver le lundi et de retourner le samedi dans sa famille. »

Le questionnaire de l'enquête distingue nécessairement le travail à la surface et le travail du fond, le travail de jour et le travail de nuit. Les chiffres indiqués pour la durée des postes sont assez variables d'une exploitation à l'autre, dans une même région, parfois dans une même exploitation. Le travail souterrain, surtout pendant la nuit, présente les différences les plus sensibles ; tout ce qu'on peut induire de ces tableaux, c'est que rarement la durée d'un poste dépasse treize heures et descend au-dessous de huit; mais, comme la distinction entre les diverses catégories d'ouvriers n'est pas faite, rien n'indique dans quelles conditions se produisent ces écarts. La comparaison entre les tableaux relatifs aux diverses régions est plus instructive; il ressort de cet examen que, dans le Hainaut, la division de la journée en deux postes, de douze heures environ chacun, a définitivement prévalu, tandis que, dans le pays de Liège, c'est encore, pour les travaux de l'intérieur, la répartition des ouvriers en trois postes, de huit heures chacun, qui domine. La première a d'incontestables avantages; si elle impose à l'ouvrier une fatigue plus prolongée, elle lui laisse de plus longs intervalles de repos et fait coïncider plus régulièrement les deux périodes avec le retour du jour et de la nuit: « Tous les ouvriers consultés à cet

L'ingénieur principal de Charleroi, auquel nous empruntons ces détails, « aime mieux ce système que celui en vigueur dans certain bassin, et qui consiste à faire commencer le travail de deux à trois heures du matin. Une heure pareille, c'est chaque jour un dérangement dans la famille et dans le ménage , c'est un surcroît de dépense en feu et lumière, et, ce qui est pis encore, c'est une occasion de débauche et d'ivrognerie. Le dimanche, où l'ouvrier n'a guère pour plaisir que le cabaret, qu'arrive-t-il? Il y reste plus longtemps et ne le quitte que pour aller changer de vêtements et se rendre à son ouvrage. Quel effet utile un homme dans cette situation, après une nuit sans sommeil, peut-il produire pendant la journée du lundi? N'est-ce pas là une des nombreuses causes de l'infériorité de l'ouvrier borin comme producteur? » Dans le Borinage, en effet, le poste du matin descend habituellement vers quatre heures. Les ouvriers en taille descendent d'abord et sont suivis, à une heure de distance, par le personnel chargé de l'enlèvement des charbons abattus. La journée des premiers ne dure guère que dix ou onze heures, tandis que celle des autres atteint douze et quelquefois treize heures. De même, pour le poste