Annales des Mines (1860, série 5, volume 9, partie administrative) [Image 53]

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LOIS,

DÉCRETS ET ARRÊTÉS.

2° Les prohibitions ne pourraient être remplacées que par des tarifs élevés ; or, des droits considérables sont un encouragement à la contrebande. Sans doute, la prohibition ne paralyse pas ce commerce interlope, mais le droit de perquisition qui fait partie de ce système a une double valeur, comminatoire et effective. 5° Ces tarifs, d'ailleurs, ne seront-ils pas exposés à une instabilité inquiétante pour les capitaux, décourageante pour les entreprises industrielles? Un simple décret ne pourra-t-il pas en venir troubler l'économie de la manière la plus imprévue et la plus funeste? VIH. Les réponses nous semblent faciles : Si la France était la première à entrer dans cette voie des réformes, la logique des raisonnements pourrait laisser quelque incertitude dans les esprits ; mais nous avons été devancés dans la carrière par presque toutes les autres nations ; les mêmes préoccupations se sont produites, les mêmes craintes ont été manifestées. Les industries ont prédit leur ruine et ont abrité leurs intérêts derrière ces sympathies si profondes et si légitimes que doit exciter le sort des populations laborieuses. Quels ont été les enseignements de l'expérience et du temps? Si le péril signalé eût été sérieux, il aurait dû se réaliser déjà plusieurs fois sur les marchés ouverts à l'importation des marchandises britanniques et se manifester avec une intensité d'autant plus grande que le nombre de ces marchés était plus restreint. Or, qu'on interroge, non pas quelques faits accidentels bruyamment exploités ou certaines opérations insignifiantes et dues à des circonstances particulières, mais l'ensemble des mouvements commerciaux. Qu'on étudie les états de la douane anglaise, notamment pendant la longue crise commerciale qui s'est manifestée en 1857; on verra combien a été considérable l'abaissement des exportations britanniques comparativement aux temps normaux. En France, si restrictif que soit notre système économique, tous les objets manufacturés ne sont pas placés sous le régime de la prohibition. Les époques de malaise commercial ont-elles donné à l'importation des marchandises non prohibées un développement exceptionnel et ruineux? Qu'on parcoure les volumineux documents de nos douanes; qu'on se livre à de

SUR LES MINES.

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Itpatientes investigations des chiffres que ces documents con• tiennent, et qui ne sont rien autre chose que l'histoire de nos -relations internationales; leur examen démontrera bien vite •l'inanité de ces alarmes.

Rappelons d'autres faits : > Lorsque, malgré d'ardentes résistances, la législation française levait la prohibition sur les fils de coton du n1 i&3 méMtrique et au-dessus, l'industrie de la filature ne devait-elle içpas être ruinée par cette imprudente innovation qui allait .|permettre à l'industrie anglaise des importations en masse à sfdes prix désastreux pour une loyale concurrence? Les colonnes du Moniteur ont enregistré ces inquiétudes et «ces fâcheuses prédictions; le temps a prononcé; ces pronostics funestes se sont-ils réalisés? Qu'on nous cite les dates, les 3époques de ces invasions. La vérité est qu'après une importation modérée de fils anglais pendant deux ou trois ans, la .fabrication nationale est restée maîtresse du marché intérieur s$iet n'a été troublée à aucune époque dans la quiétude de sa -possession. Les mêmes appréhensions n'étaient-elles pas formulées encore lors de la discussion de la loi relative au régime économique de l'Algérie? Cette législation a repoussé la théorie des prohibitions. Les manufacturiers français déclaraient perdu Ipour eux le marché de notre possession africaine. Toutes ces -.assertions ont été démenties et renversées par les faits. Notre ■industrie fournit seule à l'Afrique française les tissus de coton •■qu'elle consomme ; à peine nos états de douane constatent-ils ^quelques rares importations étrangères. C'est qu'en effet, pour peu qu'on y réfléchisse, la raison de ■ces résultats commerciaux apparaît avec une souveraine éviIdence. L'avilissement de la marchandise n'est dû qu'à la rareté

  • de la demande. Peu importe que les vendeurs soient nombreux

|si les acheteurs sont rares. Or, dans les temps de crise, il n'y la pas d'acheteurs. La défiance est un mal contagieux, comme |la confiance est un bien qui se communique. Lorsque ces crises ■pour ainsi dire périodiques et dont les causes générales sont si «nombreuses et souvent si diverses viennent atteindre et susIpendre la vitalité commerciale des peuples, l'argent se refuse, |la consommation intérieure se resserre, et l'exportation devient ■ languissante. Nous ne voulons pas réveiller ici les controverses soulevées

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