Annales des Mines (1853, série 5, volume 2, partie administrative) [Image 56]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

SUR M. EBELMEN.

son de la porcelaine dure, on est arrivé à substituer complètement la houille au bois; la solution de ce problème a créé pour la manufacture une économie de plus des deux tiers sur la valeur du combustible. C'est encore à lui qu'on devra la rénovation de la fabrication de la porcelaine tendre, cette poterie si estimée des artistes. La fabrication des émaux sur métal lui est redevable d'une impulsion toute nouvelle. Il a enrichi cet art de l'application des émaux de grandes dimensions sur plaques de tôle. Ses travaux sur les fourneaux métallurgiques ont jeté un nouveau jour sur la théorie de la cuisson dans les fours à porcelaine, et en ont fait comme une science exacte et un art de précision. Enfin il avait entrepris, avec la collaboration de M. Salvetat, des recherches sur la composition des matières employées dans la fabrication et la décoration de la porcelaine en Chine. Une première partie avait été publiée; elle se rattachait, dans son esprit, à un travail d'ensemble sur toutes les matières employées dans les arts céramiques : tâche immense qui n'était pas au-dessus de ses forces et que sa mort si regrettable laisse à peine commencée. Au point de vue de l'art, il avait su s'entourer d'hommes d'un talent éprouvé ; sans être exclusif, son goût était toujours pur, ses appréciations justes et délicates. Chacun peut se souvenir du succès obtenu par les produits de la manufacture de Sèvres à l'Exposition du Palais-Royal en iS5o. Administrateur éminemment consciencieux et juste, Ebelmen a emporté les regrets des nombreux employés et des agents de tout grade placés sous ses ordres.

découvertes qui, à elle seule, suffirait à la gloire d'un savant ; la reproduction des pierres précieuses. On peut donc affirmer avec M. Dumas qu'Ebelmen n'a joui que d'une faible partie du renom que ses travaux lui mériteront aux yeux de la postérité. Un jugement sain et droit, une grande finesse d'esprit, une intelligence prompte et vive, une étonnante rapidité de conception, une lucidité et une profondeur de vue remarquables, une prodigieuse mémoire distinguaient cette nature privilégiée. Dans chacune de ses recherches, Ebelmen saisissait dès l'abord le grand côté de la question ; il atteignait à une solution neuve, originale, féconde en résultats, sans hésitation et avec une simplicité de moyens qu'égalait seul l'éclat de la découverte. Aux dons de l'intelligence et de l'esprit, Ebelmen joignait les plus heureuses qualités du cœur. Il avait cette bonté, cette douceur, cette simplicité qui sont le propre des âmes élevées, un caractère ferme et modéré, une modestie égale à son talent. 11 nous appartient plus qu'à tout autre de rendre cet hommage à la mémoire d'Ebelmen, nous qui avons vécu dans l'intimité de cet ami si bon. Témoin habituel du bonheur dont il jouissait près d'un enfant adoré, d'une épouse si digne de le posséder, et qui retrouvait en lui les glorieuses traditions de sa propre famille (1), nous avons pu apprécier ce que son cœur renfermait d'affection et de dévouement. Ebelmen est mort avant d'avoir accompli sa trente-huitième année ! La mort l'a enlevé au milieu de ses travaux, au moment où, dans toute la puissance de son intelligence, dans toute la maturité de son talent, il touchait aux plus hautes, aux plus difficiles solutions. Sa mémoire sera précieusement gardée dans le corps des ingénieurs des mines qu'il a illustré ; le temps ne saurait l'effacer dans le souvenir de ceux qui admirent les plus belles facultés de l'intelligence unies aux plus nobles qualités du cœur.

Tel fut Ebelmen dans sa double carrière scientifique et administrative. Il a acquis dans la science une gloire impérissable ; il a inscrit son nom parmi les plus utiles dans l'histoire des hautes industries métallurgiques; il a jeté de vives lumières sur les relations de l'atmosphère avec les phénomènes géologiques; il a concouru enfin, par de brillantes recherches, aux progrès de la chimie organique, et s'est illustré par une de ces

(1) Madame Ebelmen est fille de M. Hachette de l'Académie des sciences, l'un des fondateurs de l'École polytechnique.