Annales des Mines (1914, série 11, volume 5) [Image 108]

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donc conventionnelles et, dans une certaine mesure, provisoires, puisque la nature procède par continuité et par transitions, tandis qu'une classification a besoin de coupures tranchées, de démarcations nettes. D'où ces divergences de vues entre écoles rivales qui, trop souvent, donnent l'impression d'une tour de Babel et de là aussi, suivant l'école momentanément triomphante, ces changements perpétuels dont l'enseignement même reçoit sans cesse le contre-coup fâcheux. En minéralogie, il y a heureusement une première base fixe et solide, c'est la détermination des minéraux par leurs formes cristallines et leurs propriétés optiques. Ces minéraux présentent, le plus souvent, entre eux, ces coupures nettes, ces démarcations tranchées, dont on a besoin pour la classification. Mais il arrive précisément que les groupes de minéraux les plus importants pour le pétrographe, à savoir les silicates, et d'abord les feldspaths, échappent, dans une certaine mesure, à la loi précédente. D'où une difficulté dont il est facile de comprendre la cause. Les roches ignées qui constituent l'écorce terrestre semblent sans doute extrêmement variées dans leur composition et dans leur structure ; et l'étude détaillée qu'en font les pétrographes peut sembler confirmer cette impression première, puisque l'objet de leurs travaux est précisément de mettre en évidence des différences sur lesquelles est fondée la classification. Mais cette variété apparente masque une- unité fondamentale, qui réapparaît dès qu'on s'adresse à l'analyse chimique, où toujours se caractérisent à peu près exclusivement les quatre ou cinq mêmes corps : silicium, aluminium, calcium, magnésium, fer, alcalis. Il se passe là quelque chose d'analogue à ce qui se produit, dans le monde des organismes, pour les innombrables combinaisons dans lesquelles on retrouve le carbone, l'hydrogène, l'oxygène et l'azote.

On en a la preuve quand on prend au hasard un millier d'analyses de roches choisies sans aucune idée préconçue et quand on en cherche la moyenne. Cette expérience, qui a été recommencée à diverses reprises par les chimistes américains, donne toujours les mêmes moyennes, et il en résulte que toute notre écorce est un silicate d'alumine renfermant 60 p. 100 de silice et près de 16 p. 100 d'alumine (soit les trois quarts du total), dans lequel interviennent encore, pour 24 p. 100, les autres éléments alcalins ou alcalino-terreux que j'ai énumérés plus haut : tout le reste, qui est la source de nos éléments chimiques, de nos industries minières, etc., n'intervenant dans le total que pour 1 p. 100. Ce sont donc uniquement des variétés de silicates alumino-potassiques, sodiques, calciques, magnésiens ou ferreux, entre lesquelles s'est établie une ventilation qui a constitué les diverses espèces de roches, et Michel-Lévy a pu chercher à expliquer toutes ces variétés par l'association d'un silicate ferro-magnésien basique, avec un silicate alcalino-calcique, formant la scorie feldspathique acide. Dans cet alliage, soumis à des phénomènes deliquation. de différenciation, à des interventions de catalv- ' seurs volatils, à des solidifications partielles, suivies par la prise en masse d'un magma eutectique, se sont produites des cristallisations en plusieurs temps, avec des mélanges, dans les individus cristallins eux-mêmes, de diverses formes définies associées en proportions variables . Tout cela donne des résultats très compliqués et qu'il est cependant indispensable de démêler si on veut arriver à une détermination, à une classification rationnelle. C'est ce qui explique le soin tout particulier que tons les pétrographes ont apporté à définir les feldspaths, représentants les plus nets de la scorie silicatée alcalino-calcique. Or les feldspaths, non seulement se ressemblent beau-