Annales des Mines (1911, série 10, volume 20) [Image 226]

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puisque les Anciens ont .dû récolter en cet endroit l'or libre, et non les combinaisons sulfurées d'un autre métal quelconque. C'est Louis Danton — le grand prospecteur de l'Anjou pendant le dernier quart du siècle précédent — qui a reconnu la nature géologique de l'ensemble du gisement. Mais Danton, malheureusement pour lui, ne s'est pas douté de la présence de l'or et a dû conclure qu'il ignorait complètement ce qui avait motivé ces travaux miniers des Anciens. Nous avons trouvé, en effet, dès les premiers mois de 1910, en compulsant les archives de notre Service, un post-scriptum manuscrit de Danton, placé en appendice d'une description de recherches de minerais de fer et daté du 20 juillet 1892. Danton y signalait ces travaux « des Gaulois », qui « se montrent jalonnés suivant une ligne de plus de 30 kilomètres depuis la Pouëze jusque près de Moisdon dans la Loire-Inférieure ». « L'étude générale du sol montre, ajoutait-il, que les travaux anciens portent sur un large filon quartzeux, rarement en roche compacte et blanche, plus souvent composée de petits cristaux soudés de quartz ou sillonnée de fllonnets de quartz blanc donnant à l'ensemble l'aspect d'un stoekwerk. La position" de ce filon, au contact du silurien et du dévonien (*) de la contrée, en fait une sorte d'horizon ». Danton décrit un petit travail qu'il a exécuté à l'Est d'Angrie, où il a choisi, dit-il, « un point peu travaillé » (par les Anciens), et où il a trouvé le filon de quartz en place. La roche « ne présente à cet endroit, dit-il, que des points blancs, brillants, assez rares, ressemblant à de l'argent natif, mais que, jusqu'à présent,, on est porté à attribuer à des cristaux de mispickel ». Celte constatation ne l'éclairait nullement au sujet de la matière utile exploitée, et il déclarait que « les immenses tas de déblais examinés n'ont jamais présenté d'échantillons métalliques pouvant indiquer un but d'exploitation ». Pour nous, avec ce qui est connu aujourd'hui sur les gisements aurifères de l'Ouest de la France où le mispickel est concomitant de l'or (qu'il en soit — ou non — le véhicule), nous devions conclure de suite que les travaux anciens avaient porté

(*) Ce que Danton dénomme ici « Dévonien » fait partie de ce qu'on range aujourd'hui dans les schistes et quartzites du Gothlandien : le filon se trouve le plus souvent un peu au Nord du contact, mais presque toujours à sa proximité immédiate, ce contact étant celui du schiste ardoisier ordovicien et du quartzite gothlandien.

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sur les têtes de colonnes riches d'un filon aurifère étendu ; et c'est ce qu'ont confirmé nos prospections sur place. Nous avons aussitôt signalé ce gisement à explorer aux groupes ou sociétés qui nous semblaient en mesure de risquer les capitaux indispensables et de tenter ensuite, s'il y avait lieu, une exploitation. Mais ce n'est qu'après le début de 1911 que les représentants de deux groupes paraissant pourvus de l'initiative et des moyens nécessaires nous ont successivement demandé de les guider sur le terrain. Si les travaux anciens sont facilement reconnaissables à Angrie et en un ou deux autres points, il n'en est pas de même partout pour le prospecteur non accoutumé au pays. En effet, depuis plusieurs décades d'années et même depuis, les quelque vingt ans que Danton a effectué les prospections en question ici, la culture a fait de très grands progrès dans la région; il en résulte que les anciennes « fosses » ont été comblées, que les « cavaliers » formés des résidus d'extraction ou de traitement ont également disparu dans le nivellement du sol, et que seuls les imperfections de ce nivellement, d'une part, qui laisse subsister le plus souvent une « rigole » de plusieurs mètres de largeur, formant dépression longitudinale dans le sens de la direction du filon, et d'autre part l'abondant « semis de quartz » en petits et moyens morceaux qui couvre les champs permettent de déceler le passage du filon et des travaux de surface auxquels il a donné lieu. Ce passage se reconnaît néanmoins très facilement avec un peu d'habitude, et c'est ainsi que nous avons reconnu et noté en plus de quinze endroits différents, et en chacun de ces endroits sur des longueurs atteignant parfois plusieurs centaines de mètres, la trace de ces travaux anciens et le passage du filon : les deux points extrêmes que nous avons pu reconnaître sont distants, à vol d'oiseau, de près de 40 kilomètres. La plupart des morceaux de quartz qu'on trouve sont profondément altérés, les plus ou moins nombreux cristaux de pyrites variées qu'ils ont renfermés correspondant à des vacuoles : les prospecteurs que nous avons guidés et nous-même avons cependant trouvé quelques quartz avec mouches et cristaux de mispickel non altéré. Ces quartz et en particulier les concentrés obtenus, en les traitant sommairement par broyage et séparation grossière par densité à la main auraient donné à l'analyse des teneurs en or appréciables. Nous considérons que ces résultats d'analyses, pour intéressants qu'ils puissent être, n'ont pas une importance primordiale dans la question : il nous apparaît, en