Annales des Mines (1911, série 10, volume 19) [Image 32]

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VICTOR REGNAULT

VICTOR REGNAULT

jour en jour par la multiplication de combinaisons inexistantes, définitivement consacrées par leur impression dans de volumineux mémoires (*). Mais un événement d'une importance capitale dans la carrière de Regnault est venu en modifier complètement l'orientation première ; le Ministre des Travaux publics, préoccupé du développement rapide des machines à vapeur, avait, en 1843, jugé utile de publier une ordonnance relative aux précautions à prendre dans leur emploi ; et il avait chargé une commission, dite des machines à vapeur, de rédiger les instructions techniques nécessaires. Au cours de ce travail, on s'aperçut de l'incertitude des données expérimentales relatives aux propriétés de la vapeur d'eau, et on reconnut la nécessité de reprendre l'étude complète de la question. Parallèlement à la publication des ordonnances relatives aux machines à vapeur, le Ministre nomma Regnault membre de la Commission, en le chargeant de toutes les expériences nécessaires pour la détermination des données numériques entrant dans les calculs des machines à vapeur. Il avait alors quitté l'École des Mines pour le Collège de France et ne disposait pas d'un budget de laboratoire suffisant pour mener à bonne fin des expériences aussi importantes. Les Travaux publics lui allouèrent au début, pour ses études une subvention annuelle de 5.000 francs. Ces recherches, prolongées de proche en proche pendant vingt-cinq années, s'étendirent à tous les fluides et furent l'occasion de perfectionnements considérables dans les procédés de mesures des pressions, des températures et des quantités de chaleurs. Elles fournirent à la science cette immense collection de données, numériques, dont toutes les théories scientifiques et en particulier la thermodynamique font aujourd'hui un

usage incessant; elles ont fourni à Regnault ses titres de gloire les moins contestés. C'est à son successeur dans la chaire du Collège de France, M. Lange vin, qu'il appartient d'exposer cette partie de l'œuvre du grand physicien, dont nous célébrons aujourd'hui le centenaire. Mais le rôle de Regnault comme chimiste n'était pas terminé. Si à partir de 1840 il renonce définitivement à toutes recherches de chimie, il continue néanmoins à s'occuper de l'enseignement de cette science, qu'il professa pendant trente années encore à l'École Polytechnique. En 1847, il commence la publication de son Cours élémentaire de chimie, et en 1849 celle du petit volume intitulé: Premiers éléments de chimie. Ces deux ouvrages ont pendant vingt-cinq ans formé en France la presque totalité des chimistes. Pour faire comprendre l'importance du rôle joué ainsi par Regnault, il suffit de citer un chiffre : le nombre total d'exemplaires vendus des éditions successives du Cours et des Eléments a dépassé 50.000 (*). Je dois ce renseignement absolument précis à l'obligeance de l'éditeur, M. Masson. On trouverait difficilement un autre ouvrage d'enseignement scientifique ayant eu un tel succès. Les raisons de ce succès sont multiples. Les deux livres de Regnault furent les premiers ouvrages de chimie écrits en vue de l'enseignement; les gros traités de Thénard et de Dumas, véritables dictionnaires encyclopédiques, s'adressaient aux chimistes déjà formés et nullement aux étudiants. Le Cours de chimie de Regnault était d'ailleurs merveilleusement composé ; on ne l'a pas surpassé depuis. La plupart des livres modernes ont été rédigés sur le même plan ; ils sont peut-être mieux adaptés à la préparation des examens, mais certainement inférieurs au point de vue de la formation scientifique de

(*) Annexe n° V, Citation du célèbre chimiste anglais Roscoe.

(*) Annexe n° VI, Lettre de M. Masson.