Annales des Mines (1909, série 10, volume 16) [Image 158]

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LES QUESTIONS OUVRIÈRES

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ET LA SCIENCE ACTUARIELLE

mains : leur inaction déterminerait, en effet, le législateur à combler par des institutions officielles les lacunes de l'assurance sociale ; elles se seraient donc elles-mêmes interdit l'accès d'un domaine pour avoir négligé d'y pénétrer. On répliquera peut-être que cette nouvelle sphère d'action ne procure aux sociétés qu'une clientèle peu enviable, celle des ouvriers, qui comporte des frais élevés eu égard à la modicité des primes. Je répondrai qu'à côté de la clientèle des ouvriers se trouve celle des employé? qui peut réserver à l'assureur des perspectives plus favorables ; or, si la loi, suppléant à l'inertie de l'assurance privée, crée des organes destinés à l'assurance des ouvriers, elle en facilite l'accès aux employés dont la clientèle échappe dès lors à l'assurance privée : tel est le cas où l'assurance est déclarée obligatoire pour les ouvriers et facultative pour les employés. Troisième objection. — Toute tentative de la part des sociétés d'assurance est inutile, lors même qu'elle devrait être rémunératrice et favorablement accueillie ; car l'intervention législative dans d'autres domaines d'assurance a privé les assurés de ressources et de goût pour l'assurance extra-légale : l'assurance légale a absorbé les fonds dont ils disposaient pour la prévoyance et, en les accoutumant au régime des institutions officielles, elle leur fait taxer l'assurance privée soit d'inutilité, soitde précarité, selon qu'ils laissent exclusivement à la tutelle del'Étatle soin de pourvoir à leur avenir ou qu'ils se refusent à attendre des sociétés privées une économie et une garantie comparables à celles de Caisses publiques. Je répondrai que : a) Sans doute, le danger existe : c'est même l'un des graves défauts de l'intervention de l'État comme assureur. Toutefois le besoin de sécurité, comme tout autre besoin, se développe par la jouissance même des moyens qui en procurent la satisfaction : l'individu que l'assurance accou-

tume à la sécurité dans un domaine recherche la sécurité dans un autre et, à moins d'être intégralement dépouillé par les versements obligatoires, il accepte et parfois il demande le concours d'une assurance que l'État ne lui offre pas encore. b) Sans doute il est malaisé de faire comprendre à l'ouvrier que l'assurance privée a, pour les assurés, de réels avantages sur l'assurance officielle. Mais la difficulté n'existe point à l'égard des chefs d'entreprise que la pratique des affaires amène à reconnaître les avantages de souplesse de l'industrie privée et la légitimité du profit qui est la rémunération du service rendu et la raison d'être de l'activité économique. DEUXIÈME CAS : Participation des sociétés d'assurance privées à l'œuvre législative. — Le cas où les sociétés d'assurance privées participent à l'œuvre législative se présente, soit parce que le législateur a édicté l'obligation de l'assurance en laissant aux assujettis le choix des moyens (telle législateur italien en matière d'accidents du travail), soit parce qu'il s'est borné à imposer à une catégorie de citoyens la charge d'une responsabilité dont il leur appartient d'assumer le risque au mieux de leurs intérêts (tel le législateur français en matière d'accidents du travail). Les objections suivantes peuvent être formulées à cet égard :

Première objection. — Les opérations d'assurance résultant de ce service ne sont pas avantageuses pour l'assureur. Tel a été en France, lors de la mise en vigueur de la loi du 9 avril 1898, le cas des sociétés d'assurance contre les accidents ; tel serait en France le cas de sociétés d'assurance populaire. Cette objection n'est nullement décisive. En effet : a) L'objection n'est fondée qu'au début du fonctionnement du régime, c'est-à-dire à l'époque oîi l'insuffisance de Tome XVI, 1909.

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