Annales des Mines (1906, série 10, volume 9) [Image 161]

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LA GENÈSE DES EAUX THERMALES

LA

GENÈSE DES EAUX THERMALES ET SES RAPPORTS AVEC LE VOLCANISME Par M.

ARMAND

GAUTIER,

de l'Institut.

La plupart des géologues pensent que les eaux minérales, froides ou chaudes, proviennent de l'infiltration des pluies, do la fonte des neiges et glaciers, ou des eaux de la mer qui, pénétrant dans les profondeurs à travers les fissures terrestres, remonteraient ensuite au jour au hasard de leurs trajets souterrains, après avoir emprunté leurs matières minéralisantes aux roches qu'elles ont lessivées. De ces eaux, celles qui peuvent arriver jusqu'aux régions les plus profondes se réchaufferaient en parcourant les zones rapprochées du feu central. En vertu de leur plus faible densité et sous la pression des gaz et vapeurs développés par cet échâuffement, elles nous reviendraient sous forme d'eaux thermales (*). Avant que cette opinion ne prévalût, Élie de Beaumont avait cependant fait remarquer que les filons métal(*) E. Jacquot, le célèbre ingénieur hydrologue, expose ainsi cette hypothèse dans son bel ouvrage, les Eaux minérales de la France, Paris, 1894, p. 27 : « A l'aide de ees données, on peut reconstituer l'appareil souterrain qui donne naissance aux sources thermominérales : il est comparable à un siphon renversé, dans une des branches duquel les précipitations atmosphériques descendent. Après s'être minéralisées, elles remontent dans la branche opposée en raison de la diminution de pesanteur spécifique due à leur thermalité. Dans la plupart des cas, la différence d'altitude entre les orifices d'entrée et de sortie joue également un rôle dans l'ascension de l'eau minérale. »

ET SES RAPPORTS AVEC LE VOLCANISME

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liques, comme les déjections volcaniques et les abondantes sources minérales qui ont déposé une partie des terrains sédimentaires, paraissent avoir une même origine. Cette thèse, adoptée plus tard par Tschermack(*) et par Reyerf**), ne s'est pas imposée. En Allemagne, un géologue de grande autorité, Ed. Suess, tout en la rappelant dans son récent mémoire, Ueber heisse Que lien, ne l'accepte qu'en partie. D'après Suess, à travers les failles terrestres les plus profondes et particulièrement par les volcans, montent •sans cesse, venus du feu central, des vapeurs de soufre, des hydrocarbures, de l'hydrogène. Arrivés dans les zones placées non loin de la surface, ces corps s'oxyderaient soit aux dépens de l'oxygène libre qui y pénètre, soit grâce à celui qui s'y est déjà fixé, pour se transformer dès lors en acides carbonique, sulfureux, et en eau que minéraliserait le milieu ambiant (***). Tout en se rapprochant beaucoup de la conception d'Élie de Beaumont, l'opinion à laquelle nous ont amené nos études à ce sujet ne concorde entièrement ni avec (*) Recherche sur le volcanisme comme phénomène cosmique. (**) Sur la physique des éruptions. (***) Suess dit textuellement (loc. cit., p. 10) : « On a observé à maintes reprises le dégagement d'hydrogène libre par les volcans. C'est ainsi qu'on arrive à la conclusion, déjà exprimée par Sainte-Claire Deville, que les cheminées des volcans sont des régions dans lesquelles se produisent en grand des phénomènes d'oxydation, et que c'est seulement dans les horizons supérieurs que se forme une grande partie de ces composés chimiques que nous appelons produits volcaniques. Ainsi, de même que l'acide sulfureux, l'acide chlorhydrique et autres combinaisons semblables se produisent seulement au contact de l'atmosphère, ou du moins dans les zones les plus élevées de la cheminée volcanique ; c'est aussi le cas de l'eau. Aux eaux de la surface terrestre s'ajoutent ainsi des quantités d'eaux nouvelles qui arrivent au jour pour la première fois, et sous nos yeux, et que l'on peut désigner sous le nom d'eaux juvéniles. Nous en dirons autant de l'acide carbonique juvénile, du chlorure de sodium juvénile... L'essence du phénomène (production des eaux thermales) repose tout à fait, comme dans le cas des volcans, sur la poussée au dehors de substances juvéniles, apport interne ou Zutrag aus der Tiefe. » (Gesells. deutsch. Naturforsch. u. Artze, Leipzig, 1902.)