Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 129]

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conséquence, il comprit de suite que, économiquement, il n'y avait là qu'un de ces incidents passagers qui sont le lot de toute industrie, si bien conduite qu'elle soit. Il reprit courageusement le gouvernail pour les quelques mois qui s'écoulèrent jusqu'au choix d'un autre Directeur auquel il laissait l'affaire à ce point de vitalité qu'il lui avait assurée dès ses débuts, que, trois ans après, elle était en mesure de fournir un tonnage de 400.000 tonnes, alors que celui de 300.000 n'apparaissait à l'origine que comme un but lointain que l'on ne toucherait pas aisément . Parran avait alors soixante-quatorze ans et, malgré la persistance de toute sa verdeur physique et intellectuelle, il pensa que l'heure était venue de se retirer de la partie active do toutes ses directions. Mieux qu'un autre il pouvait et il sut comprendre que, pour que l'évolution soit progressive, comme elle doit l'être, il faut qu'un changement de personnes amène à temps, ayec la tradition conservée, un renouvellement d'idées. Il était depuis trente-huit ans sur la brèche ; il pouvait et il devait passer le flambeau. Devenu un ancien, l'utilité de son rôle n'était pas terminée. Comme ingénieur-conseil ainsi qu'il allait l'être à Mokta, comme administrateur ordinaire ainsi qu'il le restait dans les trois affaires, il était en mesure de faire utilement profiter des trésors de son expérience, générale et spéciale, ceux appelés à le remplacer dans la partie active de la gestion quotidienne. Peu d'hommes à coup sûr auront eu dans leur destinée d'avoir à créer et à faire vivre trois affaires industrielles à la fois aussi considérables et aussi diverses que celles dont nous venons d'esquisser l'historique. Parran avait dirigé tout cet ensemble du cabinet qu'il occupa jusqu'à sa mort à la Société de Mokta, en ne semblant donner à sa tâche, même aux époques les plus chargées, comme toutes les organisations bien douées, qu'un effort matériel qui, à simple apparence, paraissait léger ; mais il était métho-

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dique et continu. Il avait suscité dans les collaborateurs dont il était plus directement entouré un véritable dévouement; les administrateurs, légalement responsables des affaires qu'il dirigeait, avaient en lui une telle confiance qu'ils lui remettaient les décisions les plus importantes. Parran ne devait cependant pas son succès au prestige de l'apparence, à un don de commandement, à un rayonnement d'autorité, comme d'aucuns qui ont joué de grands rôles ici-bas. Il était plutôt un doux, un réservé. Mais il savait ce qu'il voulait. Il ne se décidait qu'après mûres réflexions et une étude personnelle attentive. Ce qu'il voulait alors, il le voulait doucement, patiemment, mais résolument. Sa ténacité fut une de ses grandes forces, ainsi que sa foi dans ses affaires. L'une et l'autre venaient de la conscience qu'il avait de sa valeur, de la sûreté de son jugement. S'il a dirigé ses affaires de Russie après y avoir fait un seul voyage, il visitait tous les ans en détail ses établissements d'Algérie et ses houillères du Gard. Il combinait ses tournées dans cette dernière région avec les vacances qu'il se donnait pour rendre à sa ((petite patrie » ce culte auquel son âme resta toujours fidèle. On le voyait peu dans sa maison de la rue d'Avéjean à Alais, où il se bornait à entasser le surplus de ses collections. Il résidait plus spécialement dans son domaine de la Liquière, à quelque 15 kilomètres d'Alais, dont il s'était plu à faire un musée avec les beaux meubles anciens qu'il y avait réunis ; de sa terrasse sa vue pouvait s'étendre sur cette campagne d'Alais dont il s'était attaché plus spécialement à scruter les problèmes géologiques. Plus tard ses préférences le portèrent à Saint-Hippolyte-du-Fort, au lieu de sa naissance, dans une de ces grandes maisons sans caractère, du vieux type de la « campagne » des ancêtres, vaste bâtiment aux nombreuses pièces, avec ses salles du rez-dechaussée voûtées, son jardin aux allées de buis que ter