Annales des Mines (1901, série 9, volume 19) [Image 96]

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NOTE SUR LES GISEMENTS DE TIPUANI

Le lavage avec ou sans amalgation est évidemment le seul mode d'exploitation possible. Les indigènes se contentent, en général, de laver à la battée ; ils arrivent à laver environ un demi-mètre cube par jour, et à isoler un peu plus d'une once d'or, quand le gisement est de richesse moyenne; quelquefois même, nous l'avons déjà dit, une seule battée leur donne une once; toutefois, ils obtiennent souvent des rendements beaucoup moindres, et l'on peut dire qu'en moyenne ils ne se font guère qu'une demi-once par jour. Quelques-uns emploient le procédé du ground-sluice. Ces procédés sont bien connus, il est inutile de les décrire ici. Observons seulement que les indigènes ne peuvent exploiter que pendant une partie de l'année et suspendent leurs travaux durant la saison sèche, faute d'eau; bien qu'ils prennent soin de creuser des fosses de large diamètre pour recueillir l'eau de pluie; mais ces approvisionnements sont insuffisants. On conçoit qu'avec de tels procédés d'exploitation, malgré la richesse des gisements, les entreprises disposant de faibles capitaux et par suite incapables d'entreprendre de grands travaux, n'aient pas réussi; la cessation forcée de toute production tous les ans pendant quatre à cinq mois a été la principale cause d'insuccès. Le seul mode d'exploitation rationnel, en effet, est l'exploitation hydraulique ; pour y pourvoir, l'eau ne manquera pas dans la région : le problème est simple, il consisterait dans la constructiond'aqueducset l'installation de tuyauterie permettant d'utiliser sous pression l'eau des torrents voisins. Ces travaux nécessiteraient sans doute une assez forte dépense ; mais ils permettraient d'opérer en grand sur Jes terres à traiter; on aurait là, en effet, de vraies montagnes à mobiliser ; mais dont les matériaux pourraient aisément être entraînés dans la vallée par la rivière torrentueuse qui coule à. proximité. En utilisant le procédé que les Américains appellent hydraulic mining. on arriverait à traiter

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par jour 10.000 mètres cubes en un seul point, et cela à des prix infimes, la main-d'œuvre, dans ce système, étant réduite au minimum. L'installation des sluices donnerait seule lieu à une dépense assez forte ; car, bien que la végétation soit très active dans la région, les arbres de fortes dimensions susceptibles d'être débités en planches y font défaut ; il faudrait donc se procurer du bois au loin. Les g round-sluices qui dispenseraient, il est vrai, d'employer du bois, ne nous paraissent pas pouvoir être installés dans les terrains dont il s'agit ; on ne pourrait les fonder dans ces terrains peu résistants avec assez de solidité, pour répondre aux exigences d'une exploitation aussi puissante. Il ressort de ce que nous venons de dire, qu'il faudrait de gros capitaux pour mettre en valeur ces gisements. Ces capitaux n'ont jamais pu être réunis en Bolivie jusqu'à présent, et c'est ce qui explique l'abandon de cette région aurifère, bien connue dans le pays pour sa richesse. Voies de transport. — Avant d'entreprendre des travaux de quelque importance en Bolivie, la première question dont on ait à se préoccuper est celle des moyens de transport sur des parcours considérables et pour d'assez gros chargements, car il n'en existe aucun, et tout est à faire à cet égard. Toute cette région minière de Tipuani, en effet, complètement déserte, inhabitée et sans chemins, est séparée de la mer par la double chaîne des Cordillères Orientales et Occidentales, qu'on ne peut franchir actuellement qu'à pied et non sans peine. Dans de telles conditions, les petites exploitations d'or, celles aussi de caoutchouc, ont pu subsister tant bien que mal; mais combien d'autres produits métalliques, tels que l'argent, le cuivre, l'étain, le bismuth, le plomb; ou végétaux, tels que le café, par exemple, d'une si excelTome XIX, 1901.

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