Annales des Mines (1900, série 9, volume 17) [Image 245]

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NOTE SUR LE SAUVETAGE DE CINQ OUVRIERS

NOTE SUR LE

SAUVETAGE

DE CINQ OUVRIERS

ENFERMÉS DANS UNE GROTTE NATURELLE A JEURRE (Jura) Par M. NENTIEN, Ingénieur en chef des Mines.

Le Service des Mines a été appelé par les autorités locales à procéder, au début de novembre dernier, au sauvetage de cinq ouvriers enfermés dans une grotte naturelle à Jeurre (Jura), par suite d'une invasion d'eaux. Ce sauvetage, qui a réussi de la façon la plus heureuse, a présenté des circonstances assez particulières pour qu'il ait paru intéressant d'en donner ici une relation succincte. Sur la rive droite de la Bienne, à Jeurre, près de SaintClaude, s'ouvre à flanc de coteau, dans des calcaires probablement hauteriviens, redressés à 45°, la grotte du Nerbier, réputée par ses dimensions et son pittoresque parmi les nombreuses grottes du Jura. Cette grotte se compose essentiellement d'une galerie de hauteur variable qui suit en direction un banc de calcaire carié, de 3 à 5 mètres d'épaisseur, intercalé entre des calcaires beaucoup plus compacts, et dans lequel la circulation des eaux souterraines a déterminé la formation d'un système complexe de boyaux, tel que le représente la Pl. VIII. Ainsi qu'on le voit sur cette même planche, la galerie présente un profil longitudinal assez accidenté, comprenant,

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notamment dans les 70 derniers mètres, deux fonds de bateau séparés par un dôme ou selle intermédiaire K. Le 31 octobre dernier, cinq ouvriers étaient occupés à des travaux de captage d'eau consistant dans la construction d'un barrage-réservoir situé a environ 150 mètres de l'orifice de la grotte, et d'où devait partir une canalisation en fonte destinée à l'adduction des eaux dans le village de Jeurre. Les tuyaux destinés à cette canalisation étaient déjà à piedd'œuvre et le barrage presque terminé, lorsque survint la crue qui devait emprisonner les travailleurs. Il avait plu abondamment depuis quelques jours, et il en résultait, comme d'habitude en pareil cas, des venues d'eau dans la galerie. Les ouvriers avaient été prévenus par les gens du pays du danger qu'ils couraient en continuant à travailler dans ces conditions. Il était en effet de notoriété publique à Jeurre que, pendant les périodes pluvieuses, la galerie donnant accès à cette grotte se remplissait d'eau dans la seconde moitié de son parcours et ne se vidait ensuite naturellement qu'à la longue et seulement avec le retour du beau temps. Bien qu'ils fussent au courant de ces faits, les ouvriers n'en avaient pas moins persisté à travailler malgré la pluie, désireux qu'ils étaient de terminer le barrage le soir même, , afin de pouvoir chômer le lendemain, qui était jour de fête. Ils avaient donc repris leur travail depuis une heure et demie de l'après-midi, sans s'inquiéter des venues d'eau qui devenaient plus abondantes, lorsque, vers trois heures et demie, un aide qui les approvisionnait, à son retour de Jeurre où il était allé chercher un sac de ciment, s'aperçut que l'eau avait monté et obstruait la seconde moitié, KL, de la galerie, disposée en forme de siphon renversé, comme l'indique la coupe longitudinale de la Pl. VIII. Il lui était dès lors impossible de passer et même d'avertir les cinq hommes du fond, qui, occupés à leur travail et distraits