Annales des Mines (1898, série 9, volume 14) [Image 260]

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LA GRkVE DES OUVRIERS MINEURS

DU PAYS DE GALLES EN 1898

ritables et les fonds de la taxe des pauvres y pour-

que pas une concession, si minime soit-elle, n'ait été, en somme, arrachée aux patrons ? Pour le comprendre, il suffit de reprendre, avec un peu plus de détail, l'historique dont nous n'avons donné que

voyaient. Enfin il faut tenir compte non seulement des secours donnés aux ouvriers sous forme matérielle, mais aussi des dettes qu'on n'exigeait pas. Les Compagnies n'ont pas voulu expulser les ouvriers des maisons dont ces derniers étaient locataires à raison de 5 schellings environ par semaine. Ces loyers sont restés impayés

pendant la majeure partie de la grève. C'est là, en réalité, un secours important. D'autre part, et ceci paraît avoir joué un grand rôle, les marchands de comestibles ont montré une longanimité qui, il est vrai, était

peut-être la meilleure attitude à prendre, mais qui

en

aura conduit un bon nombre à un état voisin de la ruine. Dès le début de la grève, ils se répandent en plaintes dans les journaux, faisant remarquer qu'une pareille grève,

venant après une période de bas salaires, sera désastreuse pour eux. Leur situation, à eux qui n'ont pas voix.. au chapitre, qui perdront leur clientèle s'ils se montrent

inflexibles et qui perdront leur argent s'ils font crédit, excite la pitié de tout le monde. Après avoir fait vainement appel aux pouvoirs publics, ils finissent par envoyer, le 27 août, une députation à Sir W.-T. Lewis, pour expliquer à ce dernier que, menacés de faillite, ils vont se voir tous obligés de couper les vivres aux ouvriers. Cette

déclaration, qui a eu beaucoup de retentissement, a certainement contribué à terminer la grève ; il est fâcheux qu'elle n'ait pas été faite plus tôt. On s'explique maintenant comment les ouvriers ont

résisté. Ils ont vécu un peu de leurs économies et par conséquent de ce qui aurait pu leur constituer des pensions de vieillesse, un peu des économies des autres, de la longanimité et dé la charité des personnes .étrangères à l'industrie, et surtout de la division des patrons. Mais alors une autre question se pose. Comment se peut-il qu'une résistance de cinq mois n'ait servi à rien,

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le résumé. On constate alors que, pour employer une expression banale, mais typique, les ouvriers ne savaient

pas ce qu'ils voulaient. Dans un des journaux qui parurent au commencement

de la grève, une caricature représentait M. Abraham lYlabon, en costume de général, scrutant l'horizon avec une longue-vue. Auprès de lui un aide de camp arrivant au galop. Au loin, dans le ciel, des éclats de projectiles. Et Mabon de s'écrier : «Ou est notre armée ? Quelqu'un a-t-il vu notre armée ? » « Général, répond l'aide de camp, j'ai vu dans les journaux qu'elle est allée au combat l'autre jour. » La- débandade, tel a été le seul mot d'ordre au début de la grève. Les ouvriers se déclaraient mécontents du système actuel, plus mécontents encore de leurs élus, qui soutenaient ce système ; leurs réclamations étaient dominées par cette proposition : Plus d'échelle mobile et foin de ceux qui la défendent! Dans ces conditions, l'union compacte sur une proposition positive était assez difficile. Seule, la question du minimum se posait nettement et s'est posée tout le temps. Mais elle n'était posée qu'avec une série d'autres revendications inégalement et mollement soutenues, qui, par moments, la noyaient. Les demandes d'augmentations de salaires, notamment, ont été, au début, si variées et si flottantes que les meneurs eux-mêmes ne savaient que proposer. Au reste, après les premiers incidents, au cours (lesquels les anciens chefs, et notamment MM. Abraham et Brace, étaient laissés de côté, lorsque, par l'autorité qui

s'attachait à leurs qualités, ces anciens chefs reprirent

en fait la direction des négociations, ce fut avec une lassi-