Annales des Mines (1897, série 9, volume 11) [Image 187]

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NOTICE SUR LA VIE ET LES TRAVAUX

« On a coupé l'homme en deux parties, l'âme et le corps ; le philosophe a pris l'une, et le naturaliste l'autre tous deux ont travaillé, étudié pour leur compte et se. sont perdus de vue, et nous nous trouvons aujourd'hui en présence d'une dualité, commode peut-être, mais peu

rationnelle, en ce qu'elle néglige trop l'homme, pour .ne s'occuper que des deux éléments qui le constituent. « Or, en agissant ainsi, on court risque de satromper. Si un chimiste voulait connaître les propriétés de l'eau, les chercherait-il dans celles de l'oxygène et de l'hydro-

gène ? Non, car il sait qu'il n'y a guère de rapport entre lès caractères d'une substance et ceux des corps simples qui entrent dans sa composition. « Pour étudier l'homme, il faut peut-être plus de réserve encore ; son cadavre diffère assurément de son être vivant ; son âme est un être, dont la morale nous affirme l'existence, mais dont la philosophie ne peut se flatter d'acquérir une connaissance précise, puisqu'elle ne peut l'étudier à l'état de liberté ; la révélation peut seule parler à cet égard. Mais ce que la science et la philoso-

phie peuvent et devraient peut-être uniquement étudier, c'est l'homme indivisible et seul tangible pour nous, oti l'ange et la bête sont inséparables, qui a un corps et des infirmités, mais aussi des passions et des facultés, comme l'intelligence, la mémoire .et la raison. » Je n'ai examiné jusqu'à présent que les travaux scientifiques de M. Massieu. Le savant chez lui ne faisait pas tort à l'ingénieur, et il apportait dans ses fonctions administratives la même. conscience que dans son cours et ses recherches personnelles. Son service à Rennes comprenait, outre un sous-arrondissement minéralogique, la direction d'un laboratoire de chimie, qu'il avait créé, où se faisaient gratuitement les

DE M. MASSIEU

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analyses pour l'industrie et l'agriculture, et un contrôle de chemin de fer. Néanmoins il trouvait encore le moyen de suffire à bien

d'autres tâches. Sa puissance de travail, unie à une heureuse organisation, était telle qu'il pouvait mener de front les occupations les plus diverses sans en négliger aucune. .Il avait été appelé de. bonne heure à siéger au Conseil municipal de la ville de Rennes, où ses connaissances spéciales lui permirent de rendre des services signalés à ses concitoyens Il eut à étudier de graves questions d'hygiène et de travaux, adduction d'eau, création d'un réseau d'égouts, reconstruction du lycée, établissement de nouveaux groupes scolaires. Sa compétence, universellement acceptée, le faisait toujours désigner comme membre des commissions les plus importantes, et celles-ci s'empressaient de le choisir comme rapporteur. Son esprit souple lui permettait de se tenir à la hauteur de toutes les questions. Il en donna encore une preuve dans l'année terrible, où_ il se mit à. la disposition du Gouvernement de la Défense nationale et où il fut chargé, avec son collègue M. Lechartier, professeur de chimie à la Faculté de Rennes, d'une mission à laquelle il n'était nullement pré-

paré, mais que les deux savants parvinrent rapidement à mener à bonne fin. Il s'agissait de l'installation d'une capsulerie, uvre

qui présentait de nombreuses difficultés, eu égard à la pénurie des ressources et des moyens d'action mis à leur disposition.. Le procédé nouveau qu'ils durent imaginer fut

apprécié en termes flatteurs par le Comité de l'Artillerie dans sa séance du 11 janvier f872: « MM. Massieu et Lechartier méritent des éloges pour la manière dont ils ont résolu, en très peu de temps et avec des moyens fort restreints, le problème si difficile du chargement des capsules. Leur procédé peut rendre des services à. certains moments. »