Annales des Mines (1897, série 9, volume 11) [Image 185]

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lacune et de publier un essai d'une théorie rationnelle des machines à vapeur, fondée sur les principes fondamentaux de la thermodynamique. Il avait en sa possession tous les éléments de ce travail ; il ne ,lui restait qu'à les coordonner et à établir des tables numériques qui auraient été la traduction de ses formules les plus importantes. Ce qu'eût été une telle oeuvre, élaborée par un homme aussi admirablement préparé, on le comprend sans peine.

Malheureusement, elle est restée à l'état de manuscrit inachevé. L'introduction et les deux premiers chapitres, comprenant l'exposé des. principes, ainsi que l'étude des propriétés- des gaz et des vapeurs, sont seuls terminés. La clarté y domine ; les calculs trop abstraits ont été évités

avec le plus grand soin, ce qui en rend la lecture facile aux personnes qui ne possèdent que les premières notions du calcul infinitésimal: Le troisième chapitre, relatif aux orivapeurs surchauffées; qui devait constituer la .partie qu'ébauché. ginale de l'ouvrage, n'est Je ne puis résister au plaisir de citer quelques extraits de l'introduction, qui mettent bien en relief, les idées si justes et si sensées de l'auteur. Rien n'est aussi délicat dans une science que son point de départ L'influence '.des doctrines de Descartes, dont- nous n'avons pas su encore nous débarrasser, a été des plus funestes pour l'esprit scientifique. Je n'oublie pas que l'auteur du Discours sur la Méthode a donné parfois

d'excellents préceptes et qu'il a posé les bases de l'appli-

cation de l'algèbre 'à la géométrie; mais ces bonnes choses sont presque une exception dans l'oeuvre, du philosophe ; ce qu'il caresse le plus tendrement, ce sont les principes fondamentaux du savoir 'humain, et

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DE M. MASSIEU

NOTICE SUR LA VIE ET LES TRAVAUX

ces principes sent faux. Pendant longtemps, et malgré les protestations si sensées de Pascal, ils ont enfermé la science dans 'un dédale d'inextricables obscurités. . .

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« Malheureusement, quelques-uns des disciples de Des-

cartes vivent encore, et, l'esprit renforcé d'étrangetés hégéliennes, ils essaient .de faire sortir de quelques prin-

cipes abstraits, établis ou plutôtadmis arbitrairement a priori, toute une théorie de la nature, tout un cortège de lois physiques qu'ils imposent, bon gré mal gré, à la matière, interdisant ainsi rétrospectivement au Créateur la puissance d'avoir pu faire autre chose que

ce que rêve leur imagination. Les personnes qui ont parcouru les oeuvres de Wronski savent où une pareille manière d'agir peut conduire, et, lorsqu'on rentrera en

«. soi-même pour bien réfléchir, au lieu de vouloir raisonner quand même, on reconnaîtra sans .doute que le meilleur moyen d'arriver à la connaissance des lois qui régissent le monde est d'ouvrir les yeux pour le regarder et qu'on ne peut rien attendre de la dialectique si on ne demande rien à l'observation « Je maintiens qu'il faut soigneusement examiner d'où l'on part, se rendre bien compte des principes qu'on adopte, de leur valeur, de la confiance qu'on peut leur

accorder, qu'enfin il faut savoir si ces principes ne devront avoir définitivement force de chose jugée qu'après que l'expérience et l'observation., en auront surabondamment vérifié l'exactitude, ou bien s'ils sont a priori des vérités nécessaires dont il est déplacé de se méfier.

« Je confesse que j'appartiens à la classe des méfiants

et qu'en toute matière, sans exception, j'éprouve le besoin de soumettre mes résultats à une vérification. Il est si facile, si fréquent même, on peut dire, de faire des fautes de calcul ou de raisonnement qu'on doit sans

cee, se mettre en garde contre les mouvements trop précipités clp l'esprit. et contre les illusions séduisantes de la découverte ou de la démonstration nouvelle d'un

principe. L'erreur est tellement humaine, dit Bravais