Annales des Mines (1896, série 9, volume 10) [Image 317]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

626

DISCOURS .PRONONCE A L'OCCASION DE LA MORT

laisse les marques d'un esprit particulièrement inventif et primesautier. L'homme n'était pas inférieur au savant. C'était un coeur d'or et un caractère d'une inflexible droiture. Il n'avait rien d'un apôtre. La vertu lui était trop naturelle pour qu'en la pratiquant il se crût autorisé, à la prê-

cher. Plus volontiers, il on eût ri, comme il était disposé à rire de tout. Mais,: tout en se riant, il n'a jamais manqué au plus petit de ses devoirs. Il savait lés remplir tous gaiement, simplement et surtout sans phrases. Nous savons tous combien grande était son assiduité à nos séances, et nous, ses confrères de la Section de mécanique, savons avec quel soin méthodique et scrupuleux il s'acquittait de ses-devoirs de doyen, sachant très habilement, quand il le fallait, user de sa belle humeur bourguignonne pour faire accepter une grande fermeté. Mais où il a porté le plus haut le sentiment inné du devoir qui le guidait en toutes choses, c'est dans son enseignement. J'en parle savamment, ayant eu, dans ma jeunesse, l'honneur d'être, pendant plusieurs années, son répétiteur à l'École Polytechnique. Je tiens son cours pour l'un des plus fructueuX qui aient jamais été professés. C'est peutêtre de tous, sans même excepter celui si marquant de son éminent devancier Bour, celui qui remplit le Mieux la double visée qu'on poursuit à l'École Polytechnique visée scientifique dans le présent, visée pratique pour l'avenir. Ses exemples sont toujours choisis aux confins de la science la plus solide et de -la pratique la plus moderne. Il les renouvelait sans cesse. Ses successeurs y puiseront longtemps et à pleines mains. Les théories générales y sont condensées de main de maitre, quelques-unes avec autant d'originalité que de simplicité. Je citerai notamment la dynamique des corps solides, l'hydraulique, la thermodynamique et la théorie de la transmission du travail dans les machines.

DE M. AME-IIENRY RESAL

627

C'est un honneur pour une école d'avoir inspiré un tel enseignement, et celui qui l'a conçu méritait grandement la reconnaissance de cette école..

Ce n'est pas la forme didactique qu'il faut chercher chez Resal; elle lui était fort indifférente. Nourri de la

moelle de la science, il aimait, par-dessus tout, à la servir en substance concentrée. Cette façon d'enseigner exige, de la part des auditeurs, un travail personnel, ce ,qui est un bien. Tous ceux qui ont voulu se livrer à ce travail se sont trouvés, par le cours de Resal, préparés à toutes les applications, si variées puissent-elles être ou devenir, de la mécanique à l'art de l'ingénieur. Du reste, ingénieur dans l'âme, il aimait travailler pour ses collègues. « Fils d'architecte, disait-il volontiers, j'ai tenu la truelle avant de savoir tenir une plume. » Et, de fait, c'est en s'amusant à voir manier la truelle sous la direction de son père, architecte à Plombières, que, sans effort et avec un minimum de préparation au collège d'Épinal, puis à Sainte-Barbe, il est arrivé dans les pre-

miers à l'École Polytechnique à l'âge de dix-huit ans. Pour la partie mathématique, il eût été largement prêt dès l'âge de seize ans. C'était en 1847. Les grandes découvertes d'Ampère en électrodynamique venaient de faire leur entrée dans l'enseignement classique. Resal se prit d'enthousiasme

pour elles et en fit l'objet de son premier mémoire, rédigé pendant son séjour même à l'École Polytechnique. Bravais a fait à son jeune élève le grand honneur d'en introduire une partie dans ses leçons. Également pendant qu'il était encore élève, il fit, sur la théorie du frottement dans les la vis sans fin, une étude qui futengrenages coniques et publiée au journal de l'École Polytechnique en 1850. Son ardeur pour la science, comme celle de ses camarades, fut un instant suspendue par la révolution de 1848.