Annales des Mines (1896, série 9, volume 10) [Image 20]

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APPLICATIONS GÉOLOGIQUES

DE LA SPÉLÉOLOGIE

comme mie pomme gâtée ; au Tindoul, à Adelsberg et dans les calcaires carbonifères d'Irlande, noirs et compacts, les

ne m'avaient pas permis d'accéder au tunnel naturel, dont on supposait ici l'existence (Daubrée, Eaux souterraines,

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assises en place et les blocs éboulés sont, dans le sens du courant, zébrés de petites rigoles longitudinales parallèles, comme celles que les cinq doigts de la main pourraient tracer dans une argile humide ; ce curieux effet est si trompeur, que j'ai souvent pris pour de la glaise molle la pierre ainsi corrodée ; il rappelle tout à fait les Lapiaz, Bascles, Schrattenfelder, Karrenfelder, des massifs calcaires alpestres (*). Si la roche est plus tendre, elle devient

friable sur 1 ou 2 centimètres" d'épaisseur, décomposée

par l'acide de l'eau et se délitant alors sous la main ; c'est ce qu'on observe à l'igue de Biau (Lot) (Les Abîmes,

p. 303) et à la sortie de la source de Fonderbie, près de Limogne (Lot), que j'ai visitée en 1895, et dont la galerie,

praticable sur 230 mètres en temps de sécheresse, est principalement rceuvre de la corrosion. Je pourrais multiplier en grand nombre les preuves authen-

tiques de corrosion ; peut-être les plus curieux effets de ce genre que j'aie jamais observés sont-ils ceux. du LoughMask, dans l'Irlande occidentale (juillet 1895) ; ce lac (altitude, 19 mètres ; profondeur, 38 mètres), sans émissaire aérien, est séparé du Lough-Corrib (altitude, 9 mètres;

profondeur, 37 mètres) par un isthme de calcaire carbonifère de 3 à 5 kilomètres de largeur, et de moins de 100 mètres d'altitude ; la comMunication entre les deux lacs

est souterraine, et se manifeste par la sortie des eaux aux nombreuses sources de Cong (à la tête du Lough-Corrib) ; j 'ai dit plus haut que les gouffres et cavernes de l'isthme

(*) V. Les Abîmes, p. 110 et 519; Vienne, HOlzel, 1891-1895, in-40 ;

SDIONY, Das Dachstein-Gebiet DE LAPPARENT, Traité de Géologie,

3° édit., p. 315; Émile CHAU, Topographie du désert de Platé (HauteSavoie), Le Globe (Société géographique de Genève), t. XXXiII (5'série, t. V, Mémoires, p. 67-108).

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t. I, p. 351). Mais j'ai relevé sur la rive méridionale du LoughMask, près des antiques et modestes ruines de la petite abbaye de Rosshill, les preuves suivantes de l'action chimique de l'eau (*) la grève est couverte de gros blocs de calcaire carbonifère noir, dont toutes les faces, creusées de cupules, profondes de 5 à 10 centimètres, semblent de véritables écumoires ; il faut que les pluies (ou les hautes eaux du lac) soient singulièrement chargées d'acide carbonique pour ronger à ce point une pierre aussi compacte.

Et si l'eau du. Lough-Mask, infiltrée sous l'isthme de Cong, y a mangé la roche de pareille façon, il est très possible que la corrosion ait suffi à frayer un passage au liquide entre les parallélipipèdes de la pierre ; qu'elle ait fait de l'isthme une véritable éponge à larges pores, sans que l'érosion ait eu besoin d'y façonner les joints et les

diaclases en ces larges et longues galeries, que nous sommes habitués 4 rencontrer partout sous les terrains calcaires. D'ailleurs, la faible altitude générale de la contrée au-dessus du niveau de la mer ne laisse qu'une très légère pente aux eaux souterraines (8 mètres pour 4. kilomètres environ, soit 2 pour 1.000), ce qui diminue naturellement la puissance de leur action mécanique. Quant aux effondrements superficiels qu'on remarque sur l'isthme,

ils peuvent être parfaitement produits par les seuls effets de la corrosion, au-dessus des points où l'eau souterraine acidulée a le plus énergiquement dissocié la roche intérieure. (*) D'autres analogues, sur les bords du Lough-Corrib, avaient déjà vivement frappé Kinahan (Valleys, P. 143), qui, d'après le professeur Melville de Galway, attribue à la décomposition acide des mousses et lichens une grande part dans ces effets. Tome X, 1896. 3