Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 152]

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296 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

une grande autorité. Si compliquées que fussent les questions administratives, dont la solution lui incombait, il trouvait moyen de les élucider dans des rapports très sobres, où chaque chose était mise au point en quelques pages. Le bon sens, la netteté, la droiture, l'absence

de passion comme de parti pris, 'telles étaient les qualités dominantes de son esprit. Aussi se disait-on avec confiance que les traditions du conseil trouveraient en lui

un gardien fidèle, lorsque le cours naturel des choses ferait arriver en sa possession une présidence pour laquelle tout le désignait. Malheureusement un mal, que personne ne -soupçonnait, guettait cette précieuse existence. A voir Mallard si actif, si alerte même, et faisant face avec tant d'aisance aux devoirs les plus multiples, nul n'aurait hésité à lui prédire de longs jours. Pourtant une seconde devait suffire pour enlever, sans avertissement comme sans souffrance, au monde savant et au corps des mines, l'homme qui les avait tant honorés. Le 6 juillet 1894, on apprenait avec stupeur que Mallard venait de mourir ! Trois jours après, une foule émue se pressait aux abords de sa modeste maison de la rue de Médicis, donnant à l'homme au moins autant de regrets qu'au savant et à l'ingénieur.

Sous le porche de Saint-Sulpice, sa mémoire recevait les hommages de M. Daubrée, au nom de l'Académie des sciences ; de M. Linder, comme président du conseil des Mines ; deM. Haton de la Goupillière, parlant au nom de

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La France ne devait pas être seule à témoigner de la douleur que lui causait une telle perte. Peu de semaines

après les obsèques, M. Fletcher, devant l'Association britannique rassemblée à Oxford, rappelait les titres de Mollard et n'hésitait pas à proclamer que la minéralogie

était en deuil de son plus grand philosophe. A cette appréciation nous n'en ajouterons qu'une celle de l'illustre savant qui a rendu célèbres tour à tour les noms de William Thomson et de lord Kelvin. La lecture du Traité de cristallographie lui avait inspiré polir Mail ard

une haute estime. Venu en France et assistant à une séance de l'Académie des sciences, dont il est associé étranger, lord Kelvin avait souhaité d'y rencontrer l'auteur de ce beau livre, malheureusement absent de Paris

à cette date. Du moins il exprima tout son regret de n'avoir pu faire la connaissance personnelle d'un homme qu'il regardait comme « un des plus puissants esprits de ce siècle (*). »

Tel est, en effet, le jugement que la postérité devra se plaire à ratifier. Mais elle n'oubliera pas non plus que cette rare puissance a su marcher de pair avec une prodigieuse variété d'aptitudes, et que l'admirable dignité du caractère, jointe à une simplicité sans pareille, complète autour de cette mémoire une auréole comme bien peu de figures auront mérité d'en porter.

l'École supérieure des mines; de M. Michel Lévy, qualité de président de la Société française de minéralogie. Puis la dépouille mortelle, sous la garde du frère du défunt, s'acheminait vers cette ville de Saint-Amand,

(*) Ayant entendu dire que cette appréciation avait été for-

témoin de son enfance, où allait désormais reposer, à côté d'une mère bien-aimée, celui qui avait toujours

mulée dans l'enceinte de l'Académie, nous nous sommes permis

donné dans son coeur la première place aux affections de famille.

de vérifier le fait auprès de Lord Kelvin lui-même, qui a bien voulu nous écrire pour le confirmer. Il nous a paru qu'il convenait d'assurer ainsi, par un témoignage authentique, la transmission d'un jugement aussi flatteur.