Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 141]

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274 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

en rien aux fonctions didactiques de Mallard, mais l'acti-

vité toujours en éveil de cet esprit si vivace réclamait encore d'autres aliments. Aucune question industrielle ne le laissait indifférent, et il mettait à profit son séjour à Saint-Étienne pour acquérir, en matière de mines et de métallurgie, une véritable expérience technique. Une étude théorique sur les machines à air comprimé, publiée en 1867 dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale, atteste cette variété d'aptitudes, que confirmait en

1868 la publication d'un savant rapport, adressé à la même société, sur l'usage des lampes de siireté. L'administration sut apprécier de tels mérites, et Mallard, qui était devenu ingénieur ,de 1'0 classe en 1867, reçut, le 11 août 1869, la croix de la Légion d'honneur. Un an après, une décision ministérielle l'autorisait à se charger, pour la société de Vallenar, d'une expertise des gisements argentifères du Chili. Il partit le 16 juillet 1870, pour s'acquitter de cette mission, en compagnie d'Edmond

Fuchs ; mais à peine étaient-ils parvenus à destination

que, le 18 septembre, la nouvelle de nos premiers désastres venait les retrouver à Copiapo. Le 10 octobre, sol chilien et, à peine rentrés en France, s'empressaient de se mettre à la disposition du gouvernement de la défense. Mallard fut d'abord adjoint au directeur de la manufacture d'armes de Saint - Étienne, à la fabrication de laquelle on savait qu'il s'était antérieurement initié. Mais on lui laissa à peine le temps de s'installer, et une nouvelle décision

ils quittaient le

l'appela à l'armée de l'Est, en lui attribuant le commandement du génie civil dans le '18° corps. La bataille de

Villersexel, puis la retraite de l'armée en Suisse, tels furent les douloureux épisodes infligés à son patriotisme

impuissant. Le souvenir en était resté pour lui si plein d'amertume, qu'il évitait d'en parler même à ses meilleurs amis.

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Le séjour au Chili avait été de si courte durée, qu'on peut s'étonner qu'il en ait pu rester quelque trace. Pourtant les deux amis trouvèrent moyen de publier en 1873, dans les Annales des mines, une note intéressante, aussi bien sur les terrains quaternaires de la contrée que sur les gisements lignitifères de Lota, près de Concepcion, et de Punta-Arenas, sur le détroit de Magellan. Ce qui a facilité la rédaction de ce travail, c'est que, depuis un an, Mallard était venu rejoindre à Paris son ancien compagnon de voyage. Lorsqu'en 1872, M. Daubrée, nommé directeur de l'École des mines, abandonna le cours de minéralogie dans cet établissement, on cher-. cha, parmi les ingénieurs, qui pourrait recevoir cette redoutable succession et s'asseoir avec quelque autorité dans la chaire auparavant illustrée par Sénarmont et Dufrénoy. A cette époque, aucun membre du Corps des mines, en dehors de Delesse, déjà professeur à l'École,

ne s'était signalé dans la spécialité minéralogique. Ebelmen et Durocher étaient morts depuis longtemps. M. Cornu avait à porter le lourd fardeau de la physique à l'École polytechnique. Mallard seul se trouvait indiqué, tant par sa situation officielle à Saint-Étienne que par la bonne renommée qu'il y avait su conquérir. Mais, dans sa modestie, il n'avait rien fait pour que cette réputation franchit le cercle de ses amis et de ses chefs immédiats. Aussi plus d'un parisien peut-être se montra-t-il étonné du choix, en apparence purement hiérarchique, que venait de faire l'administration. On n'allait pas tarder à se convaincre que jamais elle n'avait été mieux inspirée.

Arrivant d'une école où l'enseignement est tenu d'affecter un caractère éminemment pratique, le nouveau professeur devait, semble-t-il, laisser voir, du moins au début, quelques traces de cette tendance. Tout au contraire, Mallard s'empressa de mettre à profit la haute cul-