Annales des Mines (1894, série 9, volume 6) [Image 158]

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DE M. E. MALLARD.

DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

DISCOURS DE M. LINDER

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Inspecteur général des mines, Vice-Président du Conseil général des mines,

AU NOM DU cora>s DES MINES ET DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE.

Messieurs,

La mort qui nous réunit autour de cette tombe, ne frappe pas seulement le Corps des Mines, auquel elle enlève un de ses membres les plus éminents et les plus respectés ; elle, ravit à notre pays un savant de premier ordre, à la science un des penseurs les plus profonds du siècle.

Rien n'annonçait ce coup funeste.

Il y a trois jours à peine, Mallard, de retour d'une inspection dans les départements de l'Est, siégeait au Conseil général des mines ; il prenait une part active à ses délibérations, apportant dans la discussion la clarté et la rectitude habituelles de son jugement la séance close, il nous quittait, le sourire aux lèvres, avec la pensée d'un revoir prochain. Et peu d'heures après, sa belle intelligence, si lucide et si large, était éteinte à

jamais ; son âme, remontant à la source infinie de toutes choses, avait fui les misères d'ici-bas ! Mais, si l'homme a cessé de vivre, sa mémoire reste vivace; elle laisse dans les fastes de la science et de l'industrie une trace des plus brillantes; dans le coeur de

ceux pour lesquels le sentiment du devoir n'est pas un vain mot, l'exemple d'une vie modeste, toute d'honneur, de dévouement et de travail. Mallard (François -Ernest) est né, le 4 février 1833, Châteauneuf-sur-Cher. Entré à l'École Polytechnique en 1851, il en est sorti, deux ans après, dans les Mines,

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Dès son début dans la carrière active (*), comme élèveingénieur chargé du sous-arrondissement minéralogique de Guéret, ses états de service font pressentir ce qu'il sera plus tard : ses chefs signalent son intelligence et son

jugement, ses aptitudes technique et scientifique, la maturité précoce qu'il apporte dans l'examen des affaires. Appelé, en 1859, à professer l'exploitation des mines, la géologie, la minéralogie et la physique à l'École des mineurs de Saint-Étienne, il met à profit son long séjour .dans l'important centre minier et métallurgique qu'il

habite, pour se familiariser avec les questions industrielles les plus variées et les plus délicates et pour acquérir l'expérience technique, sans laquelle nul n'est vraiment ingénieur. En 1867, il fait paraître successivement des cartes géologiques de la Haute-Vienne et de la Creuse, qui ont figuré avec honneur à l'Exposition Universelle de l'époque ; une étude très intéressante sur des mines d'étain qu'il avait découvertes dans le Limousin

et la Marche, puis un mémoire sur les machines à air comprimé.

L'année suivante, des conférences publiques, qu'il inaugura, par ordre du Ministre, sur les accidents de mines, mirent en relief son rare talent d'exposition, sa profonde connaissance de l'art des mines, son tact et sa prudence. Il procédait, à ce moment même, aux premières expériences sérieuses qu'on ait faites en France relativement au grisou. C'est Mallard en effet. qui, le pre-

mier, a compris l'importance de pareilles recherches exécutées avec précision et en éclairant des lumières de la science ; c'est sur son initiative que la Société de l'Industrie minérale a entrepris des essais ; c'est lui encore qui, dans un rapport devenu classique, a prouvé les dangers de l'emploi de la lampe de Davy dans les mines à (*) En juin 1856.