Annales des Mines (1892, série 9, volume 2) [Image 127]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

248

LE GRISOU AUX MINES D'ANZIN. 1810-1892.

malheureux, étourdi du coup, se trouvant hors de connaissance, se sera laissé asphyxier. « Par hasard, le maître-porion se trouvait auprès de cette fosse avec un des juges de paix de Valenciennes, lorsque l'ouvrier remonta au jour. Le maître-porion ne perd

pas contenance, prend de suite trois hommes avec lui et descend au fond pour voir ce que sont devenus les treize autres ouvriers ; il les trouve tous assoupis au milieu de la chasse, se désolant et paraissant ne plus avoir la force ni la volonté de remonter, leur fait flairer et même boire le vinaigre antiseptique, les oblige à remonter avec lui et fait aussi transporter au jour le cadavre du mort. « Pendant que l'on était allé au secours des ouvriers restés au fond du puits, M. le juge de paix manifesta son mécontentement en disant que c'était abominable de voir toujours des malheurs de cette nature à la même fosse et qu'il en ferait son rapport. » Dix Betour-Lomprez, 9 avril 1813 (Deux brûlés). jours après, le 9 avril, deux nouvelles explosions se produisaient encore au Retour-Lornprez ; la violence des dégagements de grisou avait amené l'emploi des « lampes à grisou » dans cette fosse; mais l'expérience, d'accord avec les conclusions du rapport de M. Boissau que nous avons cité, prouva nettement l'inefficacité de ces appareils; en effet, la première explosion éclata à 18 mètres environ du lieu où était placée une lampe à grisou, et la deuxième à 8 mètres du même point. De ces deux acci-

dents, le second seul fit deux victimes, qui ne furent d'ailleurs atteintes que légèrement.

Explosion à la fosse du Chaufour, 9 octobre 1813 (Trois brûlés).

Le 9 octobre de la même année, la fosse

du Chaufour était à son tour le théâtre d'une explosion de grisou qui brûla trois ouvriers. La taille de fond de

LE GRISOU AUX MINES D'ANZIN.

1810-1892. 249 moyenne veine couchant, au niveau de 309, venait d'être remontée au delà d'un cran ; pour ne percer le cran qu'une seule fois, on avait établi le châssis de retour d'air à très peu de distance de la voie de fond, au lieu de le percer au coupement de la taille, dont toute la partie supérieure n'était plus aérée que par diffusion. Une accumulation de gaz s'y produisit, déterminant une explosion. « Après l'explosion, dit le rapport du vérificateur, on a eu la précaution de ne plus travailler à la taille de fond

avant que le châssis d'airage du coupement de cette

taille fût terminé, et on a eu raison, parce qu'un châssis

au coupement vaut toujours infiniment mieux qu'un châssis dessus la voie de fond, et cela pour les raisons

suivantes

« Lorsque l'airage passe et repasse par deux conduits touchant l'un à l'autre, comme le sont la voie de fond et le châssis provisoire, il est sujet à s'échapper par son chemin de retour avant d'avoir été jusqu'à la taille, et le peu qui en arrive ensuite à cette taille n'y monte en haut qu'avec peine et difficulté, au lieu que lorsque l'airage passe et repasse par deux voies assez distantes l'une de l'autre, comme par conséquent la voie de fond et le châssis du coupement , aucune de ces entraves n'a

lieu. »

Pendant une période de quelques années, les annales

de la Compagnie vont rester muettes sur la question du

grisou : faut-il en conclure que le fléau ait suspendu ses ravages ? Il est permis d'en douter. Mais la France entrait alors dans une période de troubles ; l'invasion étrangère appelait à la frontière tous les hommes valides, arrachant à leur travail une grande partie des mineurs et désorganisant tous les services dans de telles conditions prenait-on le soin de compter les victimes du grisou quand Chaque jour des milliers d'hommes tombaient sous les halles de l'ennemi ?

Tome 11,1892.

18