Annales des Mines (1890, série 8, volume 17) [Image 156]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR EDMOND FUCHS.

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NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR EpPIOND FUCHS.

parois, où il faut reconnaître que la prudence était rare-

Entré de bonne heure au Gymnase de Strasbourg, d'où il passa plus tard au lycée, Fuchs fut constamment à la tête de sa classe. Plein d'ardeur pour l'étude, déployant,

ment écoutée, faillirent avoir un triste épilogue. Une fièvre typhoïde mit Fuchs à deux doigts de la mort et la

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dans le respect du plan de travail qu'il s'était tracé, la conscience la plus scrupuleuse, il termina en 1854 son année de philosophie par la conquête du baccalauréat ès lettres. Jusqu'alors les études littéraires l'avaient.exclusivement absorbé. Le grec et le latin le passionnaient; une heureuse mémoire lui permettait de s'assimiler aussi bien Homère et Virgile que les chefs-d'oeuvre de la littérature allemande ; enfin une exceptionnelle facilité pour

les langues, qui plus tard devait lui être d'un si grand secours dans sa carrière de voyageur, lui faisait trouver du charme, non seulement à l'étude de l'anglais et de l'allemand, mais même à celle de l'hébreu. Avec deux de ses amis, il avait fondé une association littéraire où cha-

cun, une fois par semaine, donnait libre carrière à son imagination. Nul mieux que Fuchs n'y excellait à voguer à pleines voiles dans l'idéal. Les vers, qu'il faisait avec

une rare aisance, et où se trahissaient souvent les religieuses aspirations de son âme, enfin la musique, pour laquelle il avait un goût très vif, ajoutaient aux satisfactions de cette nature, faite pour les plus nobles jouissances de l'art et du savoir. De tels débuts semblaient prédisposer Fuchs à tout autre chose qu'à l'étude des mathématiques ; et de fait, s'il les avait prises par leurs petits côtés, il eût dû se sentir bien mal à l'aise au milieu de cet appareil de formules inflexibles. Mais à peine les avait-il abordées qu'il y savait apercevoir des merveilles de grandeur et d'harmonie, par lesquelles son esprit fut immédiatement subjugué. Aussi, sans devenir infidèle aux lettres, déploya-

t-il, dans ce nouveau genre d'études, une ardeur que récompensait bientôt le diplôme de bachelier ès sciences. Tant de fatigues d'esprit, entremêlées d'exercices cor-

convalescence fut aussi longue que pénible. Il n'en reprit

pas moins le cours de ses études et, en 1856, le prix d'honneur de mathématiques spéciales attestait avec éclat qu'il n'avait rien perdu de sa supériorité. Jusqu'alors Fuchs ne s'était mesuré qu'avec ses compatriotes d'Alsace. Les examens d'admission à l'École polytechnique le firent entrer en lice .avec toute l'élite scientifique de sa génération. Il ne donna pas tout d'abord sa mesure, comme s'il eût été surpris par ce contact nouveau. Mais, entré à l'École avec le numéro 48, en com-

pagnie de plusieurs de ses meilleurs camarades d'enfance, il s'était si rapidement ressaisi qu'il se voyait classé le troisième à Pâques. Il sortait définitivement, en 1858, avec le numéro 2. A ce moment ses rêves étaient accomplis, et il lui était donné de choisir la carrière des mines, vers laquelle le portaient d'instinct toutes ses prédilections.

Pour la plupart des polytechniciens, l'entrée aux écoles

d'application est le signal de la délivrance. Plus de portes fermées ; plus de consignes à craindre ; plus de travail acharné pour la conquête d'un rang disputé par de trop nombreux concurrents ; mais une vie agréable, intéressante, exempte des rudesses de la discipline et Où, sans manquer aux exigences de la carrière, on peut faire aux distractions légitimes une pari raisonnable.

Pour Fuchs, le séjour à l'École des mines devait être singulièrement plus austère. Ses parents avaient éprouvé quelques revers de fortune. Il ne voulut pas permettre qu'on s'imposât dans son intérêt de nouveaux sacrifices, et prétendit se suffire désormais à lui-même. Le modique traitement que recevaient alors les élèves-ingénieurs Pouvait tout juste subvenir aux frais de leur nourriture ;