Annales des Mines (1882, série 8, volume 2) [Image 30]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

52

P. G. F. LE PLAY.

NOTrCE BIOGRAPHIQUE.

der une revue périodique, destinée à répandre sa doctrine. Le livre et la parole n'ont 'qu'une portée restreinte; le journal, s'il réussit, pénètre partout et impose sa propagande. Il céda à leur désir, et l'année 1881 a vu naître, sous son patronage, LA RÉFORME SOCIALE, revue paraissant

tous les quinze jours, publiée, sous la direction de M. Edmond Demolins, avec le concours de la Société d'Économie sociale, de la Société bibliographique et des Unions de la paix sociale. Les abonnés n'ont point manqué à la nouvelle venue. Elle en est à son quatrième volume, étendant progressivement le cercle des matières qu'elle embrasse et la liste

des écrivains qui y collaborent. Dans le numéro du 15 février 1882, Le Play écrivait, et ces lignes sont presque les dernières que sa main ait tracées : « Au terme d'une journée de marche, le voyageur aime à se recueillir dans le calme du soir; il jette un regard sur le chemin parcouru, avant

que les ombres de la nuit ne descendent cacher la terre pour ne laisser voir que le ciel aux mystérieuses clartés. Par une faveur de la Providence, après une carrière qui n'a pas

55

sècle encore la famille du célèbre chimiste. C'est là que, dans

l'embrasure de la fenêtre éclairant son vaste cabinet, debout devant un bureau-pupitre, il rédigeait ou réimprimait ses traités d'économie sociale et subvenait à la plus active des correspondances, heureux de toute nouvelle adhésion à ses doctrines, venue de Paris, de la province ou de l'étranger. En octobre j 88o se déclara la première crise de l'affection du cur qui devait l'emporter. Il s'en releva promptement, mais il dut se condamner dès lors à la plus rigoureuse retraite. Après le travail du jour, son salon recevait, toujours ouvert, les' amis de la maison ou les étrangers de passage. La lecture à haute voix, une partie de whist, la préparation de la Revue, et surtout une causerie sérieuse ou gaie, suivant les visiteurs, remplissaient tour à tour ces réunions du soir, auxquelles présidait avec une grâce incomparable la dévouée compagne qui, depuis quarante années, donnait à Le Play le bonheur intime du foyer. A neuf heures apparaissait le samovar, souvenir (les voyages de Russie. La sonnerie de dix heures donnait le signal de la re-

été sans labeur, je jouis de ce repos. J'ai vu grandir peu à peu l'École de la paix sociale, et,. me reportant par la pensée vers l'état des esprits au début de mes travaux, je rue plais à croire qu'elle n'a pas été sans quelque utilité.

traite. Tel était l'invariable train de vie qu'interrompirent seules quelques crises, toujours très courtes, de la maladie. La soirée du h avril dernier s'était écoulée pareille à toutes les autres. Le lendemain, vers midi, Le Play perdit subite-

J'ai confiance dans son avenir. Sans doute, il ne faudra pas

ment connaissance, et finit sans un cri, sans une souffrance. Il laisse un fils, qu'il avait été heureux d'unir à la fille d'un

épargner notre peine, et la route paraîtra longue encore, même à ceux qui viendront après moi. Mais, avec l'aide de Dieu, ils accompliront la tâche commencée, parce qu'ils garderont toujours pour règle de servir la cause de la vérité pour assurer le règne de la paix. »

Le 4 septembre 187o, le sénat impérial périssait avec l'Empire emporté par le désastre de Sedan, et Le Play fut rendu à la vie privée. Il habitait à cette époque le premier étage d'une ancienne et belle maison située sur la place Saint-Sulpice, qui avait appartenu à Thenard et que pos-

41.

ancien camarade, Michel Chevalier, et dont il a pu voir grandir la jeune postérité.

Pierre-Guillaume-Frédéric Le Play a voulu dormir son suprême sommeil au milieu des champs qu'il a tant aimés. Agronome à temps perdu, il avait acquis, près de Limoges, le domaine de Ligoure, sur la commune du Vigen. C'est dans l'humble cinie,tière de cet obscur village du Limousin que

repose aujourd'hui celui qui fut : Inspecteur général des mines, Conseiller d'État, Sénateur de l'Empire, CommisTome II,

1889,.

3