Annales des Mines (1878, série 7, volume 14) [Image 138]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR

M. ADOLPHE BARRÉ, INGÉNIEUR AU CORPS DES MINES,

Par M. G. BRESSON, ancien élève de l'École des mines, Ingénieur à la Société autrichienne des chemins de fer de l'État.

Le corps des mines, si cruellement éprouvé dans ces dernières années, vient de faire une nouvelle perte. Cette fois, c'est parmi les ingénieurs français qui occupent à l'étranger une position importante, et savent par leurs hautes connaissances et la distinction de leur esprit conquérir la double estime de leur pays natal et du pays qu'ils

habitent, que la mort est venue frapper. Elle a enlevé M. Adolphe Barré, décédé à l'âge de 59 ans, à Vienne, où il remplissait depuis plusieurs années les fonctions de directeur des mines, usines et domaines de la société autrichienne des chemins de fer de l'État. Adolphe Barré était né à Troyes, le 26 avril 1838; son père, obligé par ses fonctions à de fréquents déplacements, confia l'éducation de l'enfant à sa grand'mère qui habitait alors Haguenau, et ce fut sur cette terre d'Alsace, si riche en nobles coeurs, que l'enfant fit ses premiers pas. Ce fut

aussi là qu'il commença ses études et qu'il apprit, en même temps que le latin, l'allemand dont la connaissance devait lui être très-utile un jour. M. Barré ayant été nommé professeur à l'École forestière de Nancy, son fils, rappelé

près de lui, continua au Lycée de cette ville ses études universitaires dans lesquelles il obtint les plus brillants succès, couronnés par sa réception à l'École polytechnique au premier rang de la promotion de 1857. Le pas décisif était fait; il ne restait plus à cette heureuse nature qu'a se

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développer sans efforts, pour produire les plus beaux fruits du coeur et de l'esprit.

De même que par un concours de circonstances favorables, le jeune Barré avait pu, dès son enfance, associer aux premières études classiques, celles d'une langue étrangère, il pouvait aujourd'hui consacrer ses loisirs de vacances à recueillir de la bouche d'un père un nouvel et non moins précieux enseignement ; les collections de l'École forestière s'ouvraient devant le jeune polytechnicien ; il y puisait le goût des sciences naturelles ; il s'y familiarisait avec les

procédés de culture et d'exploitation des forêts, et se préparait ainsi à devenir un des ingénieurs les plus complets qu'on pût voir. Ces études, qu'il faisait alors sans y prendre garde, devaient aussi, dans un avenir prochain, contribuer au succès de sa carrière. Le temps passé à l'École des mines ne devait laisser à Barré que de bons et joyeux souvenirs. Quel esprit, tant soit peu avide d'apprendre, ne subirait, en effet, le charme de cet enseignement si varié, où les considérations théoriques de l'ordre le plus élevé s'unissent intimement à la pratique d'arts qui emploient pour les buts les plus utiles les plus brillants procédés. Les leçons qu'il avait reçues de ses savants professeurs étaient restées profondément gravées dans sa mémoire ; il aimait à s'en souvenir, à en parler avec ceux qui, comme lui, avaient été leurs élèves ; il savait à propos invoquer leur témoignage, clans un pays qui compte

aussi dans diverses branches de l'exploitation des mines et de la métallurgie des ingénieurs éminents. Mieux que personne il était fait pour discerner le bien en toutes choses, et résumer en lui l'expérience de ses illustres devanciers.

De tous les goûts qui sont le privilège de la jeunesse, celui des voyages était chez Barré particulièrewent développé. Enfant encore, il parcourait à pied la Suisse entière et sa santé acquérait au milieu de ces fatigues une vigueur qui paraissait inépuisable. A l'École des mines il ne pouvait