Annales des Mines (1876, série 7, volume 10) [Image 319]

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BULLETIN. 624 M. Aclocque. - Messieurs, je crois que je ne serai démenti par

personne, dans cette Chambre, si je dis que l'impôt établi sur les transports à petite vitesse présente, au plus haut degré, tous les caractères qui rendent un impôt critiquable. (C'est m'ai!) Il est antiéconomique, puisqu'il s'adresse à la richesse en formation. 1.1 est inégal, puisqu'il frappe de la même manière les marchandises pauvres et les marchandises riches ; il est injuste, puisqu'il atteint d'autant plus les industriels ou les individus qu'ils sont plus éloignés des matières dont ils sont dépourvus et dont ils Ont besoin. Il est nuisible au travail national, puisqu'il le grève d'une charge nouvelle dans sa lutte contre l'industrie étrangère. Enfin il est arbitraire, puisqu'il est proportionné aux tarifs des chemins de fer, qui sont 'eux-mêmes arbitrairement fixés. Je dois ajouter encore qu'il établit une confusion d'attributions. En effet, il permet aux compagnies de chemins de fer de déterminer l'impôt, quand ce droit appartient essentiellement, exclusivement, à la représentation nationale et ne doit appartenir qu'a elle. (Très-bien!) Avec ce cortège de caractères nuisibles, il semble qu'on n'ait

plus qu'a demander la suppression radicale de cet impôt. C'est incontestablement ce que j'aurais fait, sachant, d'ailleurs, que je serais appuyé, dans mes théories économiques, par la pensée intime de M. le ministre des finances... Et par la cominission du budget. M. le rapporteur. ... et par la commission du budget, je suis M. Aclocee. heureux de le constater. Mais, en raison des nécessités budgé-

taires et dans l'impossibilité de supprimer, d'un seul coup,

les

a2.500.0o0 francs que rend l'impôt, j'avais cherché à l'améliorer par un amendement relatif aux houilles et aux cokes, qui sont le pain de l'industrie... (Interruptions.) Cette proposition était détestable. M. le rapporteur. M. Aclocque.

Ce n'était pas mon opinion. Cependant Ph-

norable rapporteur de la commission du budget a fait remarquer

que, d'une part, les houilles et les cokes ne devaient pas

être

l'objet d'un traitement spécial. A cela, je puis répondre que la formule à trouver, pour géné. raliser mon système et l'appliquer à toutes les marchandises, était

difficile à déterminer et qu'il m'a fallu de longues recherches pour la traduire en projet de loi, et que, d'autre côté, les houilles et cokes ne sont pas dans la situation de toutes les matières transportables en petite vitesse. En effet, les houilles et cokes forment à eux seuls le quart de l'importance des marchandises transportées en petite vitesse et,

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de plus, elles sont consommées non-seulement par toutes les industries, mais encore par tous les particuliers. Sous ce rapport, ne peuvent-elles pas être l'objet d'une mesure spéciale? M. le rapporteur m'a fait une observation plus grave, et c'est ce qui motive les quelques paroles que j'ai l'honneur d'adresser à la Chambre.

L'honorable M. Cochery a bien voulu attirer mon attention sur ce fait, que non-seulement je frappais les houilles et les cokes à l'extraction, c'est-à-dire non plus proportionnellement à l'espace parcouru par ces marchandises et proportionnellement aux quantités transportées, mais qu'encore je frappais d'un droit égal les houilles et les cokes introduits en France ; qu'à cet égard, nous allions rencontrer des difficultés sérieuses, en nous trouvant visà-vis des nations avec lesquelles nous avions des traités de commerce; que ces nations n'admettraient probablement pas, comme nous le pensions, que le droit dont nous frappions les houilles à l'intérieur était un droit d'accise, qui nous autorisait à élever le droit d'entrée pour les charbons venant dc l'extérieur, et il ajoutait que les négociations à entamer pour lever les difficultés dureraient plus longtemps que l'impôt lui-même. Cette dernière parole indique que, dans la pensée de la commission, cet impôt n'aura qu'une durée extrêmement restreinte. C'est aussi, je crois, la pensée de M. le ministre des finances; et ce que je viens demander à la commission du budget, c'est de vouloir bien déclarer à la tribune que, dans son opinion, cet impôt doit être supprimé, je ne dis pas un des premiers, mais le premier. Il est important que non-seulement la Chambre, mais le pays tout entier le sache.

Dans .ces conditions, je suis tout prêt à retirer mon amendedement; c'est même ce que je vais faire. Mais j'ai l'honneur de déposer, en mon nom et au nom de nos honorables collègues MM. Estignard, baron de Ladoucette et de Beauchamp, un projet de loi ayant pour but de transformer l'application de l'impôt sur la petite vitesse, en souhaitant que ce projet soit étudié dans l'avenir le moins éloigné possible, si, par malheur, l'impôt était maintenu. (Très-bien!) L'amendement est retiré. M. le président. La proposition déposée par M. Aclocque sera imprimée, distribuée et renvoyée à la commission d'initiative parlementaire. (Extrait du :Journal officiel de la République française, du i6 décentbre 1876, p. 9587.)