Annales des Mines (1875, série 7, volume 8) [Image 137]

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EXPOSÉ DES TRAVAUX

droites, des vallées à cours presque rectilignes, qui pénètrent les unes dans les autres sans s'infléchir. Nos belles cartes du Dépôt de la guerre, et l'admirable petite carte de la Suisse, réduction de celle du général Dufour, en sont des exemples frappants. Plus grand sera l'ensemble que vous considérerez, mieux s'accuseront ces directions maîtresses, qui sont toujours un

reflet de la structure profonde du pays. Ce n'est pas aux géologues des pays de plaine qu'il faut demander quel profit

On peut tirer de la connaissance de la direction pour débrouiller les questions complexes, mais aux montagnards. Un des maîtres de la géologie suisse (*) s'exprimait ainsi en 1835, en parlant des travaux d'Élie de Beaumont « Dans les sciences naturelles, ce ne sont pas tant les nouvelles découvertes, souvent dues au hasard, que les nouvelles méthodes, qui font faire à la science les progrès les plus rapides et les plus assurés. » L'introduction dans la géologie du principe des grands alignements, qui est due tout entière à Élie de Beaumont, est une de ces méthodes qui renouvellent une science, et qui ont trouvé des applications aussi bien dans l'étude des filons métallifères que dans les questions purement théoriques. Ce sont ces directions que nous allonS maintenant chercher à coordonner, en suivant toujours pas à pas Élie de Beaumont, et particulièrement sa notice de 1852, notice où il avait reconnu vingt-quatre systèmes. Choisissons en particulier une des directions bien marquées dans un pays ; mar-

quons sur une carte, ou mieux sur un globe terrestre, tous les accidents contemporains qui lui sont parallèles, et suivons

ces accidents de proche en proche sur le globe, autant que nous le permettra l'état de nos connaissances géologiques et géographiques. Nous verrons tous les traits ainsi marqués se masser sur une petite portion de. la surface du globe; et (*) M. Studer.

DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

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si la monture de notre globe nous permet de l'orienter clans

toutes les directions possibles, nous arriverons, avec un peu de tâtonnement, à l'installer de telle sorte que les petits traits se trouvent parallèles au cercle de cuivre qui figure l'équateur dans la position normale du globe, et disposés à peu près en groupes d'égale importance au-dessus et audessous de ce cercle ; traçons maintenant ce cercle sur le globe : nous aurons obtenu ce qu'Élie de Beaumont nommait le cercle de comparaison d'un système de montagnes. Ce procédé rapide est plus grossier que celui qu'employait Élie de Beaumont, mais il conduit à peu de chose près au même résultat. Il est très-intéressant de comparer les vingt-quatre cercles

auxquels Élie de Beaumont s'était arrêté à cette époque, avec ceux que d'autres observateurs, notamment M. Pissis, avaient déjà mis en évidence en 1848. M. Pissis avait observé que les contours des continents présentent de trèsgrands alignements presque droits ; qu'en traçant sur la

sphère terrestre quinze grands cercles convenablement choisis, on pourrait ramener les contours des continents à n'être plus formés que d'alignements droits, parallèles aux cercles qui passent près d'eux ; il est très-remarquable que sur quinze des grands cercles de M. Pissis, quatorze étaient parallèles aux systèmes trouvés par Élie de Beaumont. De plus, six de ces cercles se croisaient en un point unique, deux autres points d'intersection en réunissaient chacun quatre, et enfin un quatrième point était commun à trois cercles. Cette coïncidence entre des lignes théoriques déduites les unes de formes générales des continents, l'autre de l'examen de quelques systèmes de montagnes presque tous européens,' ne doit pas nous étonner ; les chaînes de montagnes sont les véritables os des continents ; les formes de ceux-ci, bien qu'arrondies et façonnées en dernier ressort par les eaux, sont aussi étroitement liées aux directions des chaînes que les contours du corps humain à la disposition