Annales des Mines (1873, série 7, volume 3) [Image 104]

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SUR M. SAUVAGE.

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

Voix. S'il n'a pas marqué dans les commissions où ses connaissances et sa capacité auraient pu apporter des lumières

précieuses, c'est que déjà la maladie qui germait en lui avait imposé des limites à son activité. Sans qu'il l'eût demandé, l'Académie des sciences le porta sur la liste des candidats à la place d'académicien libre qui lui était assurée, et qu'il n'aurait pas tardé à occuper, si nous n'avions pas eu le malheur de le perdre. Comme on a pu en juger par ce coup d'oeil rapide sur la carrière de Sauvage, son esprit était doué d'une promptitude et d'une pénétration très-rares. L'un de ses principaux auxiliaires résumait cette faculté en disant qu'on ne pouvait rien expliquer à Sauvage : au moment où l'on com-

mençait à parler, il avait deviné. Cette intelligence était aussi apte aux conceptions larges qu'aux détails des questions ; elle abordait avec la même aisance tout ce qui se présentait à elle, et quand les travaux techniques et administratifs avaient rempli la journée, Sauvage trouvait un charme particulier à consacrer la soirée à la lecture d'ouvrages de mathématiques élémentaires ou transcendantes. Une puissance remarquable de travail servait de complément à cette heureuse organisation. Devant une affaire complexe, sa perspicacité lui montrait de prime abord, et comme par la ligne droite, le point essentiel. S'il rencontrait des difficultés d'exécution, il savait les vaincre ou les tourner avec une rectitude d'esprit et un tact qui ne lui faisaient jamais défaut. Ce tact se manifestait également dans l'appréciation qu'il savait faire 'des hommes, dans les choix par lesquels il recrutait son personnel, et dans la manière dont il l'inspirait et le dirigeait. Un admirable bon sens le guidait dans tous ses jugements et dans tous, ses actes. Son opinion, qu'il exprimait en termes concis et clairs,

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non-seulement de ses subordonnés, triomphait d'ordinaire, Il était difficile de rémais de tous ceux qui l'entouraient. sorte d'autorité sister à l'ascendant de Sauvage : c'était une autour de lui. qui, sans qu'il la recherchât, s'imposait traits une Sa parole franche savait donner à certains de blesser. tournure enjouée et originale qui les empêchait de réparties fines. Sa conversation étincelait de verve et les manières les Dépourvu de toute prétention, conservant mérite lui plus simples dans la situation élevée que son caractère. avait faite, il séduisait encore par ce côté de son

il ne tenait aucun En présence du but à atteindre, Ainsi,

ni des dangers. compte des difficultés matérielles, l'obligeait à lorsqu'on lui offrit une mission en Grèce qui il partit séjourner dans des régions très-inhospitalières, aussitôt; les lièvres dont il était menacé, et qui atteignirent un instant. gravement ses compagnons, ne l'arrêtèrent pas sont peu sûres, il Dans une partie du pays où les routes personnelle. La eut occasion de faire preuve de bravoure formait l'un des confiance en sa force et dans le succès qui aspect lorstraits de son caractère, se montra sous un autre du chemin qu'il eut à diriger l'administration du séquestre des menaces et de fer d'Orléans au milieu de l'insurrection, dépourdes coups de fusil; cette intrépidité était d'ailleurs vue de toute ostentation. être certain Lorsqu'il était obligé de sévir, on pouvait parfaite justice ; il était que sa décision était dictée par une maintenir le prinà la fois énergique et bon ; aussi savait-il sympathique à cipe d'autorité, tout en restant toujours ceux qu'il réprimait ou qu'il frappait. lui étaient souLa connaissance que chacun de ceux qui faisait crainferme et résolu le mis avait de son caractère acte répréhenlirbeleet respecter, et a prévenu plus d'un cs de tous. Son Sa droiture et sa loyauté étaient reconnuesinfluence : un extérieur contribuait encore à accroître son