Annales des Mines (1872, série 7, volume 1) [Image 146]

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NÉCROLOGIE.

NÉCROLOGIE.

Tous ceux d'entre nous qui ont eu le bonheur de connaître Lamé l'aimaient pour les excellentes qualités de son coeur, autant qu'ils l'admiraient pour les grandes, et brillantes facultés de son esprit. Sa mémoire, dont nous ne .séparerons pas celle de Clapeyron, restera en vénération dans le corps des ingénieurs des mines.

DISCOURS DE M. PUISEUX, Professeur à la Faculté des sciences, AU NOM DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS.

Messieurs,

En présence de cette tombe qui va se refermer sur une de nos gloires scientifiques, vous permettrez aux profes-

seurs de la Faculté des sciences de Paris d'exprimer la douleur que leur cause la perte d'un collègue vénéré.

Chargé de leur servir d'organe, j'essayerai de remplir cette pieuse mission en vous disant combien, parmi nous, les travaux de M. Lamé étaient admirés et combien aussi était apprécié son noble caractère. Attiré vers les recherches spéculatives par la Conscience de son génie, M. Lamé s'était, de bonne heure, donné tout entier à la science. Ses premières productions le placèrent au rang des maîtres. Laplace, Fourrier, Poisson, venaient de fonder la théorie mathématique de la chaleur; notre illustre collègue sut lui donner un nouvel essor. 11 aborda victorieusement des questions qui avaient arrêté ses célèbres devanciers, et les méthodes fécondes qu'il imagina pour les résoudre ne servirent pas seulement à perfectionner cette théorie particulière ; elles ouvrirent une voie nouvelle dans les recherches de géométrie et de physique mathématique. Admirablement écrits d'ailleurs, ces premiers

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Mémoires de M. Lamé peuvent être cités, aussi bien que les ouvrages qui les ont suivis, comme des chefs-d'oeuvre de rigueur et de netteté, comme de vrais modèles du style scientifique.

La physique mathématique, cette science de création toute moderne, a été l'objet principal et préféré .des recherches de M. Lamé, et, bien que nous lui devions des travaux très-importants sur d'autres sujets, notamment sur la théorie des nombres, il est toujours revenu à ses études de prédilection. Il y était rappelé d'ailleurs par son enseignement, et les leçons, qui avaient captivé son auditoire de la Sorbonne, devenaient la matière d'excellents traités où presque tout est original, et qui ont puissamment contribué à l'avancement des hautes études mathématiques. M. Lamé avait cette passion de la vérité scientifique qui enfante les découvertes; les progrès de la science excitaient chez lui un vif enthousiasme; il rêvait une époque où les lois primordiales du monde matériel se dévoileraient à nos yeux ; il entrevoyait, et il aimait à le croire prochain, le moment où l'esprit humain, guidé par l'analyse mathématique, tirerait d'un petit nombre de principes certains l'explication rationnelle des phénomènes physiques. Même à ses dernières leçons, lorsque les infirmités amenées par l'âge et le travail inspiraient déjà de vives craintes aux admirateurs de son talent, M. Lamé retrouvait, dans la contemplation de ces belles perspectives, une ardeur toute juvénile, et il la faisait partager à ses auditeurs. Aussi M. Lamé n'a pas seulement écrit des mémoires et des livres d'une importance capitale dans la science; il a formé des disciples, et, parmi les travaux des jeunes géomètres d'aujourd'hui, il en est bien peu qui ne portent la trace de l'heureuse influence exercée par l'éminent professeur.

Il accueillait d'ailleurs les débutants avec une bienveillance qu'ont éprouvée plusieurs de ceux qui m'entendent, t9, Tom 1, 872.