Annales des Mines (1869, série 6, volume 16) [Image 31]

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EMPLOI DES EAUX D'ÉGOUT EN AGRICULTURE.

considère des eaux d'égout contenant, non la faible proportion d'impuretés qu'elles charrient aujourd'hui, mais la totalité des immondices qu'elles devront charrier plus tard. Or à ce moment, que vaudraient réellement les diverses

méthodes expérimentées à Clichy? En ce qui concerne le colmatage, on est en droit de penser qu'il serait tout à fait impraticable. Les matières organiques abandonnées sur le sol humide y développeraient une putréfaction énergique, et l'on retrouverait à un plus haut degré les graves inconvénients qui se produisaient sur les berges de la Tamise, alors que les égouts se déchargeaient au fleuve dans Londres .même, et que les limons mis à découvert par la marée descendante manquaient en 1859 d'engendrer une épidémie. La culture maraîchère elle-même ne serait pas sans danger. Dans les intervalles des plantes se manifesterait certainement une partie des inconvénients du colmatage : car sur les places libres, il se formerait autant de petits foyers d'infection , qui rendraient une semblable exploitation fort désagréable pour les habitations voisines. Ce sont là précisément les motifs qui y ont fait renoncer en d'autres pays; on a reconnu en ellet qu'une végétation présentant ainsi des solutions de continuité est impuissante pour absorber les émanations partout où elles tendent à se produire. D'ailleurs , la culture maraîchère fût-elle possible, n'offrirait qu'un débouché insuffisant : car les eaux d'égout de Paris, enrichies comme nous les supposons alors, couvriraient une surface supérieure à celle qui est nécessaire pour alimenter la capitale en légumineux ; en outre, ces sortes de végétaux se prêtent mal à une absorption d'eau en toute saison. Reste enfin, des trois procédés indiqués, l'épuration par vdie chimique. Ici nous remarquerons tout d'abord que les essais de Clichy ne semblent pas, du moins quant à présent, avoir abordé la vraie question, en ce qui concerne ce dernier procédé. Dans notre idée, en effet, et aussi, croyons-nous, dans

celle de l'inventeur lui-même, il ne s'agit pas de savoir si

PROCÉDÉS CHIMIQUES.

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le sulfate d'alumine est susceptible d'épurer chimiquement

les eaux et de fournir un bon engrais, ce qui n'est guère contestable, mais de vérifier jusqu'à quel point et à quel prix cet engrais pourrait entrer dans la consommation courante, et si l'épuration, conduite dans les conditions de la pratique en grand, n'engendrerait pas des émanations nuisibles. Sur le premier point, à savoir la possibilité des débouchés, il ne paraît pas que l'épreuve ait encore été faite ; car on n'a pas, que nous sachions, livré de grandes quantités d'engrais à des cultivateurs de profession qui en aient expérimenté et chiffré la valeur commerciale. Sur le second point, c'est-à-dire la question de salubrité, l'objection générale que nous avons déjà déduite de la composition incomplète des eaux d'égout actuelles nous semble subsister tout entière. Quelque inoffensives, en effet, qu'aient pu être

les opérations de Clichy, il est loin d'être démontré que des inconvénients ne surgiraient pas, si l'on avait affaire à des eaux souillées par toutes les matières fécales, si au lieu

d'opérer sur 2 ou 5oo mètres cubes par jour, on opérait sur une quantité cent fois aussi forte, ce qui est le vrai débit

de Paris (*), et si enfin, au lieu de travailler pour ainsi dire à loisir, on était forcé de faire cette énorme manipulation sans désemparer, et surtout pendant les fortes chaleurs de l'été, où l'infection du fleuve est plus particulièrement à redouter. L'exemple de l'Angleterre n'est certes point fait pour encourager, puisque, nous venons de le voir, toutes les entreprises successivement essayées dans cette voie ont échoué devant des considérations de salubrité aussi bien que de dépenses. A la vérité, l'agent chimique proposé par M. Le Chatelier n'a pas encore été employé dans les autres pays, au moins dans ces conditions : l'insuccès des autres réactifs (*) Quand les travaux en cours tant pour l'alimentation que pour le drainage seront terminés, le collecteur d'Asnières n'évacuera guère moins de 5,30.00o mètres cubes parjour.