Annales des Mines (1864, série 6, volume 6) [Image 159]

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DU TYROL MÉRIDIONAL.

CONSTITUTION GÉOLOGIQUE

natée. De quelle manière ce mélange a-t-il pu se produire? Telle est évidemment la grande question qu'il faut résoudre. M. de Richthofen a admis une fusion commune des deux roches; contre cette hypothèse, nous ferons valoir les raisons suivantes : d'une part, la netteté avec laquelle s'accuse la ligne de contact de la prédazzite et de la bande métamorphique s'accorde mal avec l'idée d'une fusion, qui ferait nécessairement naître des contours plus ou moins irréguliers;

d'autre part, la nature des minéraux de contact empêche d'admettre l'intervention d'une très-haute température; ainsi nous avons vu que la chaux carbonatée bleuâtre perd sa couleur quand on la chauffe, et que le mica vert devient argentin et opaque par la calcination. Enfin, nous trouvons l'eau partout, aussi bien dans la brucite que ridocrase, le mica et la serpentine, et cette eau ne résiste pas à la chaleur de la lampe à alcool. Nous arrivons donc nécessairement à la conclusion que les actions de contact de la monzonite rentrent essentiellement dans le domaine des phénomènes chimiques de la voie humide. Des dissolutions pouvaient seules opérer le mélange des éléments du calcaire et de ceux de la roche éruptive sans altérer la forme de h ligne de contact; elles seules pouvaient posséder assez de mobilité pour permettre aux substances de se grouper par zones suivant leurs affinités ; elles seules pouvaient déterminer la cristallisation, à l'état d'hydrate, de la magnésie contenue dans la prédazzite ; elles seules

enfin pouvaient injecter dans les calcaires triasiques le massif granitoïde de Predazzo sans produire le moindre dérangement dans l'horizontalité des couches, et sans donner naissance à des brèches ni à s conglomérats. Cela ne veut pas dire que la chaleur n'ait pas joué de rôle

dans l'éruption de la monzonite; cette idée n'a rien d'imcompatible avec celle des dissolutions chimiques : seulement nous croyons qu'il n'y a pas eu de fusion ignée, et que. le calcaire n'a été ni fondu ni même rendu plastique;

et

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si nous rapprochons ces circonstances de l'absence

presque complète d'actions métamorphiques au contact du calcaire et des mélaphyres du val de Fassa, il nous sera peut-être permis de diviser les roches éruptives du Tyrol

méridional en deux groupes, l'un granitoïde, produisant des effets de contact énergiques, et caractérisé par les dissolutions chimiques ; l'autre porphyrique, sans actions métamorphiques sensibles et où la chaleur paraît être le principal agent en jeu. On objectera peut-être l'analogie des blocs d'idocrase de la Somma avec ceux de Canzacoli ; mais cela ne saurait être une raison décisive ; car rien ne prouve que les minéraux de la Somma aient une origine ignée, et l'on est parfaitement en droit d'admettre que, formés dans l'intérieur de la terre, par voie chimique, au contact d'un calcaire et d'une matière éruptive magnésienne, ils ont été simpleMent rejetés par le volcan. Ce n'est là du reste qu'une question théorique, et il serait téméraire de prétendre la résoudre d'une manière définitive avant que les circonstances géologiques du phénomène soient connues avec une entière certitude ; il importait seulement

de bien établir l'ordre des actions métamorphiques, jusqu'ici trop rapidement étudiées, et de montrer que ce n'est ni dans des fentes du calcaire ni dans les géodes de la roche

éruptive, comme l'ont dit beaucoup d'observateups, mais bien dans une zone de contact fort régulièrement constituée, que sont venues cristalliser des espèces minérales définies,

caractérisées toutes par l'association des éléments du cal-

caire et de ceux de la monzonite. Quant à l'ordre dans lequel les minéraux se sont groupés, il serait d'un haut intérêt d'en avoir la clef ; mais ce résultat ne peut être atteint que par de patientes observations et une longue étude chimique. Contentons-nous pour le moment, d'ajouter aux considérations que nous avons déjà présentées une remarque sur le rôle de l'élément magnétique ; nous avons dit que,