Annales des Mines (1863, série 6, volume 4) [Image 97]

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CATASTROPHE DES MINES DE LAUE (GARD).

TRAVAUX DE SAUVETAGE.

autres pour se préserver du froid ; ils pouvaient étancher leur soif, l'eau arrivant d'abord à leurs pieds ; plus tard ils la puisaient dans une botte attachée au bout d'une corde. Ils entendaient le bruit des bennes d'épuisement plongeant dans l'eau aux puits Sainte-Hortense et Saint-Henry, et comptaient par les courts instants d'interruption les changements de poste ; ils ont pu ainsi se faire une idée assez exacte du temps écoulé, qu'ils ont évalué à quinze jours; ils avaient essayé de manger du bois de pin pourri émietté dans de l'eau, et avaient mordu leurs courroies de cuir. Cependant, pouvant boire à leur soif, ils n'ont pas connu les horribles souffrances de la faim, et étaient, le jour de leur sortie, pleins de force et de courage ; ils auraient certainement vécu encore au moins dix jours. C'est dans la journée du lundi 2 1 octobre que la partie inférieure de la remontée a dû se découvrir, et que l'eau a

pour faire les travaux nécessaires à leur délivrance (*).

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commencé à s'abaisser dans le niveau de 5o mètres

Marius se hasarde alors à descendre dans l'eau ; il suit la galerie à tâtons, nageant ou se tenant aux parois ; il arrive au travers banc et se dirige vers la descente de lampisterie, ignorant que le passage a été coupé par les eaux ; il tombe dans le trou qui est plein d'eau et se raccroche à un rail ; épuisé, transi de froid, ayant perdu ses habits, il parvient à regagner le travers banc et la galerie de la couche n° il remonte auprès de ses camarades, qui l'enterrent dans le charbon menu et se couchent sur lui pour le réchauffer ; on l'a retrouvé dans cette position. Privat et Hours descendent peu après dans la galerie, ils entendent frapper les boiseurs

et viennent jusqu'au travers banc, où Privat appelle du secours ; Maury et Brun les entendent, quelques heures après ils étaient sauvés tous les trois. Ce sauvetage, exécuté si heureusement, montre que dans certaines conditions favorables de pression et de tempéra-

ture, avec les facilités d'étancher leur soif, des hommes peuvent vivre fort longtemps, et qu'on a toute latitude

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Le fait suivant n'est pas moins instructif et indique nettement au delà de quelle limite de pression les hommes ne peuvent vivre, lorsque d'ailleurs la chambre d'air comprimé

où ils sont enfermés présente certaines conditions défavorables.

Dans la matinée du 2 novembre, nous avons pu pénétrer dans un niveau intermédiaire de la couche Tri-de-Chaux, à 6o mètres de profondeur au-dessous de l'orifice du puits (*) Nous citerons à ce sujet le procès-verbal suivant adressé le 19

octobre 1861. à M. le baron Dulimbert, préfet du Gard, par

M. le directeur gérant de la société anonyme des charbonnages de la Haye; les ouvriers dont il est fait mention se sont trouvés clans des conditions presque identiques à celles qui ont préservé les mineurs Thérond, Mouton, Hours, Privat et Marius ; et ils ont été délivrés après né jours.

Déclaration qui mérite l'attention des bons chrétiens.

Le premier aoust saise cent huitante quatre, comparurent par devant nous, la haute cour et justice de la franche baronie de lIerstat, Guilleaume, Gilbert, Nicolas et Louis Haméride frères et Gérard Radoux, lesquels étant requis par le sieur Pierre Isaac Drossart de la susdite baronie de dire et déclarer la pure et sincère vérité, touchant le laps de temps qu'ils ont été détenus et environnés d'éarves (eaux) dans la fosse et houillère appelée Crcvecous,

extante en la Réalle cette juridiction, ont dit et déclaré cela avoir arrivé en la forme et manière suivante, savoir que le quatorzième jour de février étant devallez (approfondis) dans la dite houillère qui était de la profondeur de vingt et une toises (Lis mètres), environ les deux heures après minuit, et y travailler jusqu'aux environs des huit heures du matin, à laquelle heure Jaspar Radoux leur compagnon ayant percé à des vieux ouvrages remplis d'earves (eaux) de la fosse partenante à Gérard Godin et autres, causa un tel débordement qu'jcelui en fut au même instant submergé, et les dits comparants n'ayant d'autre recours que de se sauver sur une montée là, où ils ont été détenus depuis le dit quatorzième de févrierjusqu'au neuvième mars en suivant aux huit heures du matin qui font vingt-quatre jours et six heures pendant quel temps ils ont prié et réclamé Dieu, la Vierge et tous les saints à cause qu'ils n'espéraient d'en jamais sortir, tant pour les grandes froidures, que à

cause qu'ils n'avaient à manger, (mitre qu'il n'y avait la moindre