Annales des Mines (1863, série 6, volume 3) [Image 235]

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Le 16 de ce mois, à dix heures du matin, les mineurs se préparaient

à remonter; trente-trois d'entre eux venaient déjà de sortir de la mine et huit, se trouvaient dans la cage, à moitié hauteur du puits; tout à coup le balancier se brisa près du pivot et un de ses fragments pesant environ 9.112 kilogrammes se détacha, entraînant avec lui une partie de l'appareil, la maçonnerie ainsi que les charpentes du bâtiment. Il alla s'engouffrer dans l'ouverture du puits, brisant dans sa chute la cage de fer qui était en train de remonter, et tuant sur le coup cinq mineurs sur les huit qu'elle contenait. Mal-

heureusement cette masse de fonte, en tombant, ne brisa que partiellement une espèce de plate-forme qu'elle rencontra dans sa

chute, et les débris du bâtiment qui contenait la pompe, aussi bien que ceux provenant des étais du puits, formèrent une obstruction qui coupa toute retraite aux deux cent trente mineurs emprisonnés dans la mine. On suppose que ces hommes, au moment de l'accident, devaient se trouver dans une galerie qui a vraisemblablement été envahie par l'eau, car la pompe d'épuisement ne marchait plus; il est probable que, dans ce cas, ils se seront réfugiés dans une autre galerie à laquelle une échelle donne communication par un boyau. Sous le rapport des provisions, ils avaient la ressource des chevaux employés à la traction intérieure de la mine, une petite quan-

tité de grain servant à la nourriture de ces animaux, de l'eau potable en abondance et l'huile de leurs lampes. Voici maintenant le résumé somm aire des opérations du sauvetage:

Jeudi 16. Déblayement de l'orifice du puits, remise en place des câbles, des poulies et d'un appareil pour l'extraction. On entend des coups sourds frappés sur un Vendredi 17. conduit métallique par les prisonniers; ce conduit est en partie brisé et ne peut servir pour communiquer avec eux; on étaye les parois du puits dans les parties les plus faibles et l'on commence à enlever les décombres. Une grande quantité de pierres vient malheureuSamedi 18. sement se détacher des parois du puits et augmenter la masse déjà

si considérable des décombres; cette masse s'élève à plus de 28 mètres au-dessus du ventilateur, point sur lequel tendent tous les efforts que l'on fait pour communiquer avec les mineurs. Les corvées sont de huit hommes, dont deux seulement peuvent travailler à la fois au déblayement; ils sont suspendus par des cordes, de crainte que la masse des débris ne vienne à manquer sous leurs pieds. Dimanche 19.

On croit entendre encore les mineurs. Le même

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travail continue; 5 mètres seulement séparent les travailleurs du ventilateur.

Lundi 20. - De la fumée apparaît au sommet de la mine, ce qui fait supposer que les mineurs ont allumé le fourneau intérieur. Onze heures du soir. De l'acide carbonique se dégage au-dessus des débris, les travailleurs en sont incommodés et l'on est obligé de faire descendre une corvée pour leur porter secours. Les travaux sont alors interrompus. Mardi 2 1. - On vient de télégraphier à Scaham, pour obtenir un appareil semblable à celui qui est employé pour la ventilation des navires; cet appareil est en usage dans quelques-unes des mines de la marquise de Londonderry.

Mercredi 22. - C'est seulement vers quatre heures de l'aprèsmidi que le ventilateur pourra être établi ; il est aussi question de faire descendre des hommes revêtus du scaphandre ou de l'appareil employé par les plongeurs. Dès à présent, l'opinion générale est que tous les mineurs ont péri; quelques personnes pensent cependant qu'en se retirant dans l'une des galeries, ils ont pu se mettre à l'abri des émanations qui ont manqué faire de nouvelles victimes hier parmi les ouvriers travaillant au sauvetage. Jeudi 25. Les recherches faites les jours suivants n'ont malheureusement plus laissé aucun doute sur le triste sort des ouvriers mineurs enfermés dans la mine, et l'on a eu la douleur de constater que tous avaient péri. Cette catastrophe, qui a coûté la vie à plus de 200 ouvriers mineurs, est la plus terrible parmi celles dont l'histoire des mines ait gardé le souvenir. Quant à la cause à laquelle on doit attribuer la rupture du balancier, voici les faits principaux qui ressortent de l'enquête. La machine marchait, au moment de l'accident, avec une vitesse de sept coups par minute. La pression était de 2k,51 par centimètre quarré.

Il y a un mois, le balancier avait été déplacé au moyen de presse hydraulique, afin de changer quelques pièces ; après avoir été soulevé de om,76, comme la force employée n'était pas suffisante, cette masse retomba de tout son poids sur les solives qui lui servent de supports. Extérieurement le balancier ne parut d'ailleurs pas avoir souffert de ce choc. On remarque cependant que la fracture de la pièce brisée n'est pas nette; elle présente des cavités bulleuses qui se sont formées dans son intérieur et au moment où elle était en fusion ; l'une de ces cavités, qui est sans doute la cause principale de la rupture, a même une grande longueur. TOME III, 1863.

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