Annales des Mines (1857, série 5, volume 11) [Image 179]

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DISCOURS PRONONCÉS PAR MM. ÉLIE DE BEAUMONT

.vilége d'ajouter encore quelques mots aux paroles si bien senties que vous venez d'entendre sur les nobles et rares qualités qui le distinguaient. Lié avec lui depuis plus de trente-six ans, appelé it faire avec lui de nombreux voyages, à concourir avec lui à de longs travaux, j'ai eu avec M. Dufrénoy, pendant des années entières, ces rapports de chaque jour où rien ne peut demeurer caché, même au fond de la pensée. Chaque jour j'ai eu de nouveaux motifs d'aimer

et d'admirer cette riche et excellente nature. Sa franchise, l'égalité de son caractère, sa volonté toujours ferme et jamais cassante, rendaient les relations avec lui aussi faciles que sûres. Il avait fait un de ses premiers voyages scientifiques dans la Bretagne, dont il parlait souvent avec une prédilection particulière, peutêtre parce qu'il y avait en lui quelque chose de la fer-

meté tenace et de la loyauté primitive du caractère breton.

restait toujours le même. En trente-six ans son âme n'avait pas vieilli d'un jour. Sa fraîcheur de sentiment, son inaltérable droiture, son amour pour tout ce Il

ET IW SÉNAHMONT AUX OBSÈQUES DE M. DUFRENOY.

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de succès littéraires, avait célébré en beaux vers, que l'Académie française a couronnés, les derniers moments

de Bayard. Elle s'y était montrée la digne interprète du chevalier sans peur et sans reproche. Héritier de ses nobles sentiments comme de ses qualités aimables, son fils y puisait une élévation d'un caractère littéraire et presque poétique qu'il était plus facile de sentir que d'exprimer. Un homme dont le nom vivra aussi à plus

d'un titre, M. Jay, qui n'était pas moins bon juge des sentiments que des écrits, l'avait apprécié de bonne heure; et sa fille, que tant de douleur accable aujourd'hui, était devenue le gage d'union de deux familles si

dignes l'une de l'autre. Notre ami était à l'unisson de ces âmes élevées, et il trouva près d'elles un bonheur qui est pour lui-même un éloge et le plus digne peutêtre de sa mémoire. 111e goûtait sans apparat, avec la modestie qui était

un des traits les plus aimables de son caractère. Des sujets de distraction si doux ne le détournaient pas d'études ardues dans lesquelles on ne peut réussir que par un long travail. Le travail était son élément. Doué d'une

qui est bon et beau, dans la conduite de la vie aussi bien

instruction aussi solide que variée, dans les lettres

que dans la science, justifiaient encore, dans ses derniers jours comme dans sa première jeunesse, ces vers charmants qu'une main tendre et chérie, longtemps éprouvée par le malheur, traçait pour lui à la fin de ses

comme dans les sciences, il écrivait avec facilité et tou-

études : Oui, mon fils, oui, ma noble idole, De mon été qui fuit ton printemps me console. Eh, comment du passé garder le souvenir, Quand les mâles vertus de ton adolescence, Et tes savants travaux, suivis avec constance, Répondent de ton avenir !

Madame Dufrénoy, dont le nom est consacré par tant

jours avec une lucidité parfaite, réalisant le vers de Boileau

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement.

Familier dès l'enfance avec nos meilleurs littérateurs, il avait puisé près d'eux un goût sûr, dont la première règle était pour lui l'absence de toute enflure et de toute inutilité. Ses nombreux écrits, les fréquents et lumineux rapports qu'il a faits à l'Académie, attestent sa facilité autant que sen vaste et profond savoir. 11 portait les mêmes qualités dans le professorat.