Annales des Mines (1857, série 5, volume 11) [Image 177]

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DISCOURS PRONONCÉS PAR MM. ÉLIE DE BEAUMONT

corps des mines. 11 perd aujourd'hui un illustre représentant des sciences, dans l'administration, dans l'in-

dustrie. L'École des mines pleure une de ses gloires. un chef dévoué, presque un fondateur. Partout, en effet, dans nos travaux, dans nos institutions, dans nos annales, le nom de Dufrénoy est écrit en traits ineffaçables. A peine sorti de l'école de Moutiers, il devenait déjà l'un de nos maîtres. Un digne appréciateur des jeunes

talents, M. Brochant de Villiers, l'avait appelé à l'école naissante de Paris; et bientôt après se formait,

entre M. Dufrénoy et M. Élie de Beaumont, cette union intime de deux esprits d'élite, cette noble association, si féconde pour la science, pour leur commune gloire, et qui devait jeter tant (l'éclat sur le corps des mines tout

entier. On connaissait mal alors la constitution géologique de la France : MM. d',Omalius d'Halloy et Coquebert de Mombret n'en avaient esquissé que les traits généraux : MM. Dufrénoy, Élie de Beaumont furent chargés, sous la direction de M. Brochant de Villiers, 'd'une étude complète et détaillée de notre sol; tâche immense quand il faut marcher sans guide, que la science hésite encore et que l'observateur ne peut devoir qu'a lui-même le fil conducteur capable de le diriger dans le dédale de ses propres découvertes. En i85, MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont com-

mençaient leur oeuvre, tout était à faire; après dixhuit ans tout était fait, et ils avaient élevé aux sciences géologiques un monument impérissable, auquel demeureront à jamais attachés les noms inséparables des deux amis, des deux glorieux collaborateurs, comme celui de l'illustre Cassini au premier monument des sciences géodésiques.

ET DE SÉNARMONT AUX OBSÈQUES DE M. DUFRÉNOY.

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Je n'essayerai i' messieurs, de rappeler ici

la

série des travaux qui venaient chaque année signaler les progrès de ce prodigieux labeur. Avant de le commencer, les jeunes ingénieurs étudièrent en Angleterre les contrées devenues classiques pour la géologie. Ils

venaient chercher des leçons, et tout d'abord ils se montrent capables d'enseigner les maîtres eux-mêmes, en posant, dans les terrains de transition d'un pays où ils arrivaient pour s'instruire, les bases des divisions fondamentales dont les plus éminents géologues n'ont eu plus tard qu'à ressaisir et à suivre les traces.

M. Dufrénoy apporte ensuite, pour sa part dans l'oeuvre commune, de nombreux mémoires. On le voit, par exemple, révéler en Auvergne l'alternance des formations lacustres et des phénomènes volcaniques; montrer qu'aux environs de Paris, même après MM. Cuvier et Brongniart, il pouvait encore rester quelque chose à découvrir sur les terrains tertiaires; signaler les carac-

tères exceptionnels de la craie dans les Pyrénées, et faire rentrer dans la structure de cette chaîne, en apparence si compliquée, l'ordre et la simplicité à la place de la confusion et du chaos.

Ces publications, bien d'autres encore, que je suis forcé d'omettre, n'ont pas fait seulement mieux connaître le sol de la France : elles ont contribué à répandre le goût d'une science aujourd'hui populaire; et par son exemple, par ses oeuvres, autant que par son nom, M. Dufrénoy doit être compté parmi les premiers fondateurs de la Société géologique. Ces travaux ont ouvert à M. Dufrénoy les portes de l'Académie des sciences ; mais le savant n'avait jamais

oublié les études de l'ingénieur. Déjà il avait publié, avec M. Élie de Beaumont, de précieuses observations sur la métallurgie de l'Angleterre; plus tard il rap-