Annales des Mines (1914, série 11, volume 5) [Image 105]

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diait pas les montagnes au microscope et qu'une plaque mince d'un centimètre carré de surface ne pouvait vraiment synthétiser l'histoire d'une roche quelconque. De son coté, Henri Sainte-Claire Deville, le maitre respecté et aimé de Fouqué, lui disait avec bonhomie, en examinant quelques-unes des plaques minces de son élève favori : « Les pétrographes sont des chasseurs qui tirent au jugé. » Ne soyons pas, d'ailleurs, à notre tour, injustes pour ces vétérans laissés en arrière par le progrès et reconnaissons avec eux que le microscope ne suffit pas à lui seul sans l'examen approfondi des conditions de gisement et sans un prélèvement rationnel des échantillons à examiner. Il peut même, si on l'emploie mal, présenter, par une précision illusoire, des dangers que je comparerais volontiers à ceux des calculs algébriques en physique ou de l'analyse chimique en géologie. Seule, une exploration préalable du terrain, à laquelle le microscope vient ensuite apporter son merveilleux appui, empêche de « tirer au jugé » et permet de « regarder les montagnes au microscope ». A partir de cette époque, la voie de Michel-Lévy était toute tracée; elle s'est écoulée sans incident notable, et il suffira d'en marquer ici quelques étapes caractéristiques : études locales sur le Morvan jusqu'en 1878; sur le Maçonnais et le Beaujolais de 1878 à 1882 ; puis sur le Lyonnais jusqu'en 1887 ; enfin sur l'Auvergne; en même temps, expériences sur la synthèse des minéraux et des roches, résumées dans un livre de 1882 ; mission d'Andalousie en 1885 pour l'étude des tremblements de terre; direction de la carte géologique de 1887 jusqu'à sa mort; nomination à l'Institut à la place de Daubrée en 1896 ; cours au collège de France en remplacement de Fouqué depuis 1909. Dans cette période active d'une quarantaine d'années,

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il a eu l'occasion de résumer ses principaux travaux en quelques ouvrages qu'il faut signaler aussitôt comme ayant été les livres de chevet de tous les pétrographes français : la Minéralogie micrographique , publiée en 1879 avec la collaboration de Fouqué ; la Synthèse des minéraux et des roches, publiée en 1882 avec la même collaboration ; puis les Minéraux des roches par Michel-Lévy et Lacroix (1888); la série des Mémoires sur les feldspath?, qui s'échelonnent de 1894 à 1904 : la Classification des roches éritptives (1889), les Notes sur la chaîne des Pays, le Mont Dore et le massif de la Limagne (1891); la Classification des magmas des roches éruptioes (1897 et 1898). S'il est permis d'exprimer à ce propos un regret, ce sera seulement qu'un tel maître dont tous ceux qui ont touché à la pétrographie en France ont reçu les précieuses leçons, n'ait jamais recommencé et complété, comme lui seul aurait pu le faire, ce bel ouvrage sur la Minéralogie micrographique , que les progrès de ses études et ceux de ses élèves l'auraient amené à reprendre avec des aperçus nouveaux. Nous attendons aujourd'hui de son disciple, M. Lacroix, cette pétrographie française qui nous a manqué jusqu'ici. Si Michel-Lévy l'avait écrite plus tôt, elle aurait permis à notre esprit national de soutenir, contre l'obscurité et la confusion fréquente des méthodes allemandes, codifiées en de nombreux ouvrages didactiques qui ont fait le tour du monde, une ' lutte que son autorité mondiale aurait rendue facile et qui, sans lui, n'a pu être continuée avec le même succès. Je n'ai fait, jusqu'ici, qu'indiquer, dans ses très grandes lignes, l'œuvre de Michel-Lévy. Je dois maintenant en préciser davantage les résultats principaux. Pétrographe avant tout, Michel-Lévy fut naturellement amené, au cours de sa vie, à envisager les divers points de vue que peut comporter l'étude des roches. Il