Annales des Mines (1914, série 11, volume 5) [Image 106]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

204

AUGUSTE MICHEL-LÉVY

s'est attaqué tour à tour : à la synthèse des minéraux et des roches, qui permet de reconstituer expérimentalement les procédés employés par la nature, à la cristallographie qui lui a fourni les moyens de reconnaître avec précision les feldspaths et les autres minéraux constituants d'un magma ; à la détermination et à la classification des structures rocheuses par l'examen microscopique ou par l'analyse chimique ; à la reconnaissance de leur âge et de leur évolution avec le temps; à l'histoire de leur mise en place plus ou moins profonde et de leurs réactions métamorphiques sur les terrains encaissants. On aperçoit aisément comment ces divers sujets, que nous examinerons successivement, se rattachent les uns aux autres et présentent, sous leur diversité apparente, une fondamentale unité. 1° Synthèse des minéraux et des roches. — Dans l'énumération précédente, nous retiendrons d'abord, pour en marquer toute la portée, les synthèses artificielles des minéraux et des roches qui constituent peut-être, pour Fouqué et Michel-Lévy, leur plus beau et plus durable titre de gloire. Jusqu'à eux, on avait généralement regardé, avec une sorte de respect stupéfait et comme le produit de réactions mystérieuses, ces magmas rocheux homogènes, où plusieurs minéraux cristallisés ont dû prendre naissance en même temps. Les essais de synthèse qui, pour les minéraux isolés, avaient donné en France quelques très remarquables résultats, étaient restés, pour les roches mêmes, timides et incertains. Il semblait que, pour réaliser un tel phénomène, la nature eût dû faire intervenir un temps indéfini, des masses énormes, des forces indéterminées. La reproduction d'un minéral, soit dans nos produits d'usine artificiels, soit dans nos laboratoires, était chose admise, mais non celle d'une véritable roche. Ceux

AUGUSTE MICHEL-LÉVY

203

qui auraient pu tenter des expériences synthétiques se seraient d'ailleurs trouvés dans l'impossibilité d'apprécier exactement s'ils avaient réussi, faute de savoir discerner au microscope la véritable nature des substances obtenues. C'est pourquoi le développement des synthèses de roches a coïncidé, dans les mains de Michel-Lévy et de Fouqué, avec celui de la pétrographie microscopique, qui, en reconnaissant la présence d'inclusions vitreuses, liquides, gazeuses, dans les minéraux des roches et en montrant l'ordre de consolidation de ces minéraux a, de plus, fourni des indications précieuses sur leur formation. Parmi les synthèses les plus importantes des roches ignées, exécutées par Fouqué et Michel-Lévy, on peut citer celles de diverses roches volcaniques, basaltes, andésites, leucotéphrites, etc., obtenues par fusion purement ignée et recuit alors que tous les géologues avaient auparavant soutenu la nécessité de faire intervenir l'eau et les minéralisateurs. Ce résultat a été enregistré par les savants étrangers comme un des plus beaux succès de la science française. Zirkel le qualifiait, en 1881, d'extraordinaire et d'àjamais mémorable. Il est, en effet, tout à fait curieux de penser qu'en prenant les mêmes poudres de minéraux et les soumettant à des températures diverses, avec fusion et refroidissement dans des conditions variées, sans l'intervention d'aucun produit étranger, on puisse obtenir des groupes de minéraux totalement différents, avec les structures les plus diverses. Peu d'années avant sa mort, Michel-Lévy eut à revenir sur ces travaux de synthèse dans son cours au Collège de France et s'attacha alors avec juste raison à montrer, en analysant les travaux de ses successeurs, tels que Doelter, Morozewicz, etc., que leurs méthodes avaient procédé des siennes. On sait comment, dans cerTome V, 1914.

15